La bicyclette est l’un des engins les plus utilisés dans notre vie quotidienne. Saviez-vous, toutefois, qu’elle fut aussi déployée durant le fameux débarquement de Normandie ? Dans ce court article, Julien Lehoux nous présente la petite histoire de la bicyclette chez l’Armée canadienne durant le débarquement.
L’Armée canadienne et ses alliés utilisèrent moult moyens de transports et de véhicules durant la Deuxième Guerre mondiale. Des landing crafts aux chars blindés, les Alliés ont conçu des centaines de modèles de véhicules motorisés pour les assister dans leurs opérations militaires. Un véhicule, toutefois, resta populaire parmi l’armée de terre : la bicyclette.
Un engin mainte fois prouvé sur le terrain, la bicyclette se distingue par la simplicité de son mécanisme. Tandis que n’importe quel autre véhicule motorisé impliquait des milliers d’ingénieurs, de mécaniciens et de manufactures pour les concevoir, la bicyclette restait modeste et peu coûteuse. De ce fait, on retrouve la bicyclette dans les habitudes de plusieurs armées durant la guerre. Les Canadiens ne font pas exception.
La bicyclette durant la guerre
Pour de nombreuses troupes en garnison, la bicyclette était le moyen de transport privilégié. En effet, il n’y avait pas plus rapide et plus accessible pour un soldat que d’utiliser un vélo pour se déplacer durant sa permission ! L’utilisation de la bicyclette était très courante pour les soldats canadiens en garnison en Grande-Bretagne. À cet effet, il ne semble pas y avoir de modèles de bicyclettes priorisés. Tant que ça avait deux roues et que ça fonctionnait, tout était bon !
En dehors des permissions, plusieurs armées utilisèrent en masse la bicyclette pour transporter rapidement leurs infanteries d’un point à l’autre durant les opérations militaires. Lors de la Deuxième Guerre sino-japonaise (1937-1945), le Japon utilisa énormément les vélos pour faire déplacer ses troupes et pour combler son manque de véhicules motorisés sur le terrain.
D’autres armées adoptèrent aussi la bicyclette comme moyen de transport. Ainsi, plusieurs cas de bataillons de cyclistes sont répertoriés au Danemark, en Pologne, en Finlande et en Suède durant la guerre. Devant l’avancée rapide de l’armée nazi, de 1939 à 1940, il devint effectivement nécessaire de mobiliser et de déplacer les troupes le plus rapidement possible. Plus loin durant la guerre, en 1944, alors que celle-ci semblait perdue d’avance pour l’Allemagne, des bataillons des Volksgrenadiers étaient forcés de se déplacer en vélo par manque de véhicules.


Du côté de l’Armée canadienne, l’utilisation de la bicyclette ne semble pas avoir été largement utilisée pour transporter les troupes. En Italie, où le Canada vit le gros de la guerre, l’infanterie marchait énormément d’un point à l’autre. Si les soldats étaient chanceux, ils pouvaient sinon sauter dans un camion ! Des exceptions sont néanmoins notées. Le 5 septembre 1943, des hommes du 48th Highlanders of Canada trouvèrent une pile de bicyclettes pliantes abandonnées par les Allemands. La trouvaille fut très utile : les soldats s’en servirent pour se rendre rapidement à leur objectif.
Les bicyclettes étaient surtout utilisées pour les estafettes – les troupes chargées de faire la liaison d’une unité à l’autre. Habituellement, ce travail se faisait en motocyclette afin qu’ils puissent couvrir rapidement les distances. Toutefois, dans un contexte de débarquement, la bicyclette, beaucoup plus légère, était priorisée.
Mobilisé durant le raid de Dieppe, le soldat Jacques Nadeau des Fusiliers Mont-Royal, fut nommé estafette seulement quelques heures avant le début de l’opération ! Petit de taille, Nadeau relate qu’il avait de la difficulté à monter le vélo qu’on lui donna : « les bicyclettes étaient de taille pour accommoder les policiers anglais qui mesuraient tous plus de 1,80 m ! » (Martin Chaput, Dieppe, ma prison. Récit de guerre de Jacques Nadeau, Montréal, Athéna Éditions, 2008, p. 51).
Évidemment, il était difficile d’utiliser une bicyclette en pleine action. Durant le terrible raid, Nadeau raconte avoir lancé son vélo en bas de son bâteau de débarquement, mais qu’il le perdit : « j’ai essayé de voir où était rendu mon vélo, mais les balles crépitaient tout autour de moi. Alors je me suis dit que le diable emporte mon maudit vélo » (Martin Chaput, ibid., p. 59). Heureusement, les estafettes canadiennes débarquées en Normandie ne semblent pas avoir eu les mêmes problèmes que le soldat Nadeau.

Les estafettes en Normandie
Contrairement au raid de Dieppe, il ne semble pas y avoir eu d’estafettes durant le débarquement initial de Normandie, tôt le matin. En effet, les quelques photos des cyclistes prises le 6 juin les montres en train de débarquer au milieu d’une plage largement sécurisée, en compagnie de larges contingents de troupes de support.
Le débarquement de Normandie survint très tôt le matin, alors que le soleil venait à peine de se lever. Suivant la victoire à la plage Juno, des centaines de navires se succédèrent aux premiers bâteaux de débarquement pour y décharger des renforts, des chars et toutes sortes de matériels de soutien. Selon la planification du Jour J, le Corps des transmissions royal du Canada devait installer des lignes de téléphone afin d’assurer la communication entre les unités sur le terrain. Toutefois, le Corps n’arriva à Juno que deux jours après le débarquement initial, soit le 8 juin. De fait, ce sont les estafettes qui se chargent principalement de la communication durant les premiers jours. C’est lors de ces arrivages que les bicyclettes vues dans les photos semblent avoir été mobilisées par l’armée canadienne.


Selon les photos prises durant ce jour, les estafettes semblent avoir débarqué de deux navires : le HMC LCI(L)-299 et le HMC LCI(L)-125. Le premier débarqua surtout des membres du Stormont, Dundas and Glengarry Highlanders. Selon le Centre Juno Beach, les membres du Stormont arrivèrent à Bernières-sur-Mer vers 12h20, mais ne purent se déplacer bien loin du fait des obstacles allemands et des célébrations françaises. Malgré tout, ils souffrirent des tirs de mortier ennemis et subirent 14 pertes en total : 1 décès et 13 blessés. Quant au deuxième navire, il s’occupe du transport du Highland Light Infantry of Canada. Le régiment ontarien arriva une heure plus tôt que leurs collègues du Stormont, mais ne subit aucune perte.


La BSA de La Citadelle
Depuis le mois de septembre 2024, l’équipe du Musée Royal 22e Régiment est l’heureuse acquisitrice d’une bicyclette BSA dans ses collections ! Comme mentionné précédemment, l’armée canadienne n’utilisa pas de modèle de vélos particuliers pour ses troupes. La bicyclette obtenue par La Citadelle est construite par la Birmingham Small Arms Company Limited. Durant sa fondation, cette compagnie britannique se démarqua pour sa manufacture de véhicules, d’armes et… de vélos. Les premiers modèles BSA furent donc construits en 1880 et étaient largement distribués.
Durant la guerre, BSA Limited continua la construction de ses vélos à usage civil ou militaire. Après tout, dans un cas comme dans l’autre, les bicyclettes demandaient peu de ressources à construire et pouvaient être utilisées virtuellement par n’importe qui.
Le modèle 40, tel que recueilli par le personnel du Musée, est un modèle pliant. Les bicyclettes pliante étaient idéales pour les commandos et les troupes de parachutistes. En plus de porter tout son équipement, un soldat pouvait ainsi plier son engin et le transporter à la main en sautant en parachute ! Les bicyclettes BSA, en particulier, étaient construites de sorte à ce que les guidons et le siège frappent le sol en premier après un saut.
Il n’est pas clair si la bicyclette acquise par l’équipe du Musée fut déployée au débarquement de Normandie ou durant une opération aérienne. Selon les informations recueillies, ce vélo fut acheté dans un magasin de surplus d’armés après la guerre puis entreposé précieusement durant de nombreuses années. Toujours selon la donatrice, son propriétaire original était très impressionné de l’ingéniosité de la mécanique !

Une arme méconnue dans l’arsenal des Alliés
Lorsqu’on imagine le débarquement de Normandie, ou toute autre opération militaire durant la guerre, on ne se doute peut-être pas que les vélos faisaient partie de l’arsenal de l’Armée canadienne ! Pourtant, les bicyclettes étaient des pièces courantes de la vie quotidienne des Canadiens : que ce soit en permission ou en opération.
Les modèles BSA sont encore très populaires parmi les collectionneurs et les membres du Musée Royal 22e Régiment sont très chanceux d’avoir une bicyclette en aussi bonne collection ! Toutefois, les vélos qui nous parviennent aujourd’hui sont mieux à être préserver, plutôt qu’à les jeter en bas d’un bâteau ou d’un avion !
Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens. Nous tenons à remercier chaleureusement l’équipe du Musée Royal 22e Régiment d’avoir partager leurs photos de leur bicyclette BSA !
Sources :
- « 1939-1945 WW2 BSA ‘Airborne Bicycle’ Folding Paratroopers Para Bike », Oldbike.eu (en anglais).
- « Bicycles in WW2 », Eden Camp Modern History Museum (en anglais).
- « Highland Light Infantry of Canada le Jour J », Centre Juno Beach/Juno Beach Centre.
- « HMC LCI(L)-125 », NavSource Online: Amphibious Photo Archive (en anglais).
- « HMC LCI(L)-299 », NavSource Online: Amphibious Photo Archive (en anglais).
- « Stormont, Dundas and Glengarry Highlanders le Jour J », Centre Juno Beach/Juno Beach Centre.
Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur le Jour J : Quand le jour se lève. Consulter notre exposition pour en apprendre davantage sur l’histoire des Canadiens débarqués en Normandie !
