L’ITALIE ET
LA SECONDE GUERRE MONDIALE

LA MONTÉE DU FASCISME

L’Italie est en pleine ébullition au lendemain de la Première Guerre mondiale et de la signature du Traité de Versailles. En effet, plusieurs groupes politiques d’extrême gauche et d’extrême droite se livrent bataille partout au pays. La situation atteint son paroxysme à la fin d’octobre 1922, alors que Benito Mussolini et ses partisans les « chemises noires », se rendent à Rome et prennent de force le pouvoir.

En seulement quelques années, l’Italie se transforme en un pays totalitaire où les droits de la personne disparaissent au profit de la figure charismatique de Mussolini. À la tête du pays, Mussolini vise ainsi à créer une société à l’image de sa nouvelle doctrine : le fascisme.

Lorsque la Seconde Guerre est lancée en Europe, l’Italie de Mussolini rejoint immédiatement l’Allemagne nazie dans ses campagnes militaires. Ainsi, jusqu’en 1943, l’Italie enclenche ses propres opérations militaires en Europe et en Afrique où elle occupe plusieurs territoires comme la Libye, l’Éthiopie et la Grèce.

Les membres de la Milice volontaire pour la sécurité nationale, désignée comme les « chemises noires », constituent la branche armée du parti fasciste. À son apogée, 350 000 Italiens étaient membres de la milice (source : Imperial War Museums © IWM HU 48176).
En 1935, l’Italie déclare la guerre à l’Éthiopie. Durant le conflit, les chemises noires déploient une quantité gigantesque de gaz moutarde contre l’armée éthiopienne (source : Narodowe Archiwum Cyfrowe).

Qu’est-ce que le fascisme ?

Le fascisme est une idéologie révolutionnaire d’extrême droite qui se définit comme :

Antidémocratique : Les fascistes sont persuadés que leur pays est en dérive et qu’il doit être sauvé par un chef puissant. En l’occurrence, Benito Mussolini incarne ce chef pour les Italiens. Le chef règne ainsi sans conteste sur la nation, qui est appelée à le soutenir sans condition.

Militariste : L’armée représente le pouvoir absolu. Elle sert donc à la fois à faire régner l’ordre et à combattre à l’étranger. La guerre est le moteur d’une société fasciste et la population est appelée à participer à la gloire de la nation par le service militaire, le travail ou la famille. En Italie, cela se voit avec les différentes opérations militaires menées en Europe et en Afrique durant l’entre-deux-guerres.

Intolérant : Le fascisme est aussi une idéologie qui se caractérise par son opposition envers « l’autre ». Les minorités sexuelles, politiques, ethniques, religieuses et autres y sont ainsi systématiquement discriminées au profit de la population majoritaire. Les populations juives sont particulièrement touchées, par exemple, alors que le régime mussolinien instaure différentes lois discriminatoires.

Benito Mussolini et sa garde rapprochée posent durant la marche sur Rome, le 24 octobre 1922 (source : Imperial War Museums © IWM HU 48179).

LA COMMUNAUTÉ ITALIENNE AU CANADA

Parallèlement aux événements en Europe, le Canada jouit déjà d’une importante diaspora italienne. Les premiers Italiens arrivent au Canada au début du 20e siècle et s’installent dans les plus grandes villes du pays. Ils y établissent des « Petite Italie » et s’organisent en communauté soudée avec leurs propres centres d’activités, leurs commerces et leurs églises. Cela leur permet de continuer de parler leur langue et de pratiquer leur culture.

Cette affiche annonce l’ouverture de la Casa d’Italia en 1934, à Montréal, sur la rue Jean-Talon (source : BAnQ).
L’intérieur d’une épicerie tenue par une famille italo-canadienne dans la Petite Italie de Montréal, en 1910 (source : BAnQ).

Avec l’avènement de Mussolini dans les années 1920, plusieurs Italo-Canadiens adhèrent au fascisme et s’organisent en groupes militants, encouragés par l’ambassade et les consulats italiens. À Montréal, ces militants s’approprient des institutions culturelles et s’en servent comme base pour leur distribution de pamphlets, journaux et autres matériels politiques. Le fascisme est aussi soutenu par plusieurs éléments de l’Église catholique et des acteurs nationalistes importants, ce qui popularise davantage le mouvement. Signe de la popularité de Mussolini, les responsables de l’église Notre-Dame-de-la-Défense dans la Petite Italie de Montréal demandent que sa figure soit peinte sur sa large fresque intérieure.

Cependant, le fascisme reste un mouvement largement marginal et son appui est très superficiel parmi les Italo-Canadiens. De fait, le régime mussolinien perd progressivement la majorité de son soutien au Canada au fil des années. Après un premier grand refroidissement de la part des Italo-Canadiens à la suite de l’invasion de l’Éthiopie en 1935, presque tout appui envers Mussolini est abandonné dès son entrée en guerre contre le Canada le 10 juin 1940. Toutefois, malgré ce changement de cap, plusieurs Italo-Canadiens deviennent des cibles du gouvernement canadien durant la guerre.

John Giovani di Lucia :
un Italo-canadien en Italie

Né à Ortona, en Italie, en 1913, John Giovani di Lucia immigre au Canada avec sa famille et s’établit en Ontario. Après avoir fait des études en linguistique à l’Université de Syracuse où il étudie l’allemand, l’espagnol, le français, l’italien et le latin, John di Lucia s’enrôle dans l’Aviation royale canadienne (ARC) le 28 décembre 1942. Grâce à sa maîtrise de plusieurs langues, le jeune homme est rapidement approché par le Special Operations Executive (SOE) où il est engagé comme agent spécial. Déployé en Italie, John di Lucia mène différentes opérations de sabotages contre l’armée allemande. Malheureusement, il est ultimement capturé et exécuté le 12 mai 1944.

Afin de cacher son rôle d’agent secret, les documents officiels de John di Lucia l’identifient comme un membre de l’ARC (source : Anciens Combattants Canada).

LA SITUATION MILITAIRE EN EUROPE

L’année 1943 est un tournant important dans la guerre. En février, l’Armée rouge réussit à repousser la Wehrmacht après la bataille de Stalingrad et lance son avancée dans l’est de l’Europe. À la mi-mai, après presque trois ans de durs combats, les Alliés remportent la campagne nord-africaine et réussissent à y capturer l’ensemble des positions ennemies. Pour la première fois depuis le début de la guerre, les forces de l’Axe se retrouvent ainsi en position désavantageuse.

Cependant, la Grande-Bretagne et les États-Unis sont en désaccord concernant la stratégie à adopter pour faire plier les armées ennemies. Alors que les États-Unis préfèrent libérer la France le plus rapidement possible, la Grande-Bretagne opte plutôt pour un contrôle complet de la Méditerranée. Les deux pays arrivent finalement à un compromis : en attendant un débarquement en France l’année suivante, les Alliés iront en Italie. L’ouverture d’un second front répondrait alors à plusieurs objectifs : démanteler le gouvernement de Mussolini, détourner l’attention de l’armée allemande, soulager la pression sur le front soviétique et contrôler la Méditerranée.

Pour le Canada, l’ouverture d’un nouveau front en Italie est une occasion inespérée de participer davantage à l’effort de guerre. En effet, s’il fut l’un des premiers pays alliés à déclarer la guerre à l’Allemagne, il n’eut pas d’occasions importantes pour se démarquer au front. Pour les généraux canadiens, une longue campagne en Italie représente alors un théâtre idéal pour leurs troupes qui demeurent encore largement inutilisées.

Pritam Singh Jauhal :
un soldat en Afrique du Nord

Alors que peu de Canadiens ont participé aux campagnes nord-africaines, des milliers de soldats indiens et sikhs y sont envoyés pour combattre dans l’armée britannique. Certains deviennent plus tard des citoyens canadiens, dont Pritam Singh Jauhal. Originaire de la province du Punjab, en Inde, Pritam Singh Jauhal est né en 1920 dans une famille pauvre. Jauhal s’engage dans l’armée indienne et, en 1940, il est déployé en Afrique où il combat l’armée italienne au Soudan, en Érythrée, en Éthiopie, dans le Maghreb et en Libye. Après la guerre, Jauhal reste dans l’armée jusqu’à sa retraite. En 1980, sa femme et lui immigrent au Canada et jusqu’à son décès, Jauhal se positionne en leader pour les vétérans indiens et sikhs. Il fonde la Indian Ex-Servicemen Society of British Columbia, aide plusieurs veuves à recevoir leur compensation financière de la part du gouvernement indien et milite pour que les vétérans puissent garder leurs turbans lors de rassemblements officiels.

Pritam Singh Jauhal lors d’une cérémonie à Surrey, en Colombie-Britannique, en 1993 (source : Courtoisie de Surrey Archives, 2017.0022.93-875.1).
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