Notre octobre
Les enlèvements de James Richard Cross et Pierre Laporte mettent en branle le plus grand déploiement de l’Armée canadienne en temps de paix sur le territoire national canadien. Jean Drapeau, maire de Montréal, et Robert Bourassa, premier ministre du Québec, demandent le soutien du gouvernement fédéral pour maintenir l’ordre public et mettre fin au FLQ. La réponse fédérale comporte deux volets : déploiement militaire et imposition de la Loi sur les mesures de guerre. Mais qui sont ces soldats qui sont déployés aux quatre coins du Québec? Ce sont des individus qui ne font que leur travail, des soldats à qui l’on a demandé de protéger une ville contre leurs propres concitoyens, contre les personnes qui parlent la même langue qu’eux, contre des jeunes de leur âge, qui ont peut-être grandi non loin d’eux.
L’armée en renfort
La mission des soldats est d’appuyer les forces policières. Avec l’imposition de la Loi sur les mesures de guerre, chaque soldat se voit octroyer les mêmes pouvoirs qu’un agent de la paix. Les tâches des militaires sont multiples : contrôler les émeutes, protéger des personnalités publiques et d’autres représentants officiels, patrouiller pour repérer les fauteurs de troubles et renforcer les cordons policiers. Les soldats travaillent 12 heures par jour et se déplacent fréquemment, pouvant défendre un poste de police une semaine et protéger un édifice gouvernemental ou une résidence privée la semaine suivante.
Respect et collaboration
Bien qu’il ait pu sembler étrange que la ville soit soudainement occupée par des soldats armés, la plupart des Montréalais ont accueilli l’armée avec un soupir de soulagement. Grâce à la présence militaire, le taux de criminalité a diminué. Les civils offraient repas et cafés aux soldats, tandis que les enfants observaient ces derniers d’un œil curieux. De façon générale, l’armée a reçu un accueil extrêmement positif, encore plus que pendant les Jeux olympiques qui auront lieu six ans plus tard! Certains ont toutefois été surpris de voir des soldats francophones répondre à une crise francophone.
Le rôle des médias
Dans toute société démocratique, les médias jouent un rôle important, non seulement pour informer le public mais aussi pour remettre en question différentes décisions gouvernementales. Le travail d’enquête des journalistes a permis maintes fois de jeter la lumière sur des évènements autrement obscurs. La Crise d’Octobre 1970 ne fit pas exception. D’abord, les médias ont eu le rôle crucial de rassurer la population quant à la présence de l’armée canadienne dans les rues. C’est ainsi que ceux-ci ont pu être vus en tant que sauveurs dans un pays en crise.
Les médias ont joué un rôle particulier lors des évènements d’Octobre. Ils ont en effet servi de courroi de transmission au FLQ, en acceptant de diffuser leur manifeste tel quel et sans commentaire ou analyse. Cette lecture sobre est, pour certains, la raison pour laquelle de nombreux citoyens commencent à adhérer au mouvement, puisqu’ils se reconnaissent dans les exemples mentionnés.
Les différentes cellules du mouvement utilisaient également les médias pour communiquer entre elles. Les journalistes furent rapidement pris au jeu et recherchaient sans arrêt les nouveaux développements, ou nouvelles informations provenant des kidnappeurs. Ces évènements ont été l’une des premières fois où il y avait de l’information en continu au Canada.
Toutefois, les journalistes ont aussi commis des erreurs. Certaines informations erronées ont circulé, comme la présence de canons à Montréal (alors que les soldats étaient suivis par de simples remorques!). De plus, certains ont émis l’hypothèse qu’une missive dirigée aux autres cellules provenant de la cellule Chénier n’aurait pas été diffusée à temps afin d’empêcher la mort de Pierre Laporte.