KANDAHAR
À la fin de 2005, le Canada est passé de Kaboul, zone relativement sécuritaire, à la zone plus dangereuse de Kandahar. À l’époque, la FIAS avait pris les commandes des forces de sécurité dans tout l’Afghanistan, et chaque nation participante de l’OTAN assumait la sécurité et la reconstruction d’une province afghane différente. La province attitrée au Canada était Kandahar, ancien fief des talibans situé près de la frontière avec le Pakistan, où les derniers talibans avaient presque tous fui. Là-bas, la situation était totalement différente de Kaboul. La population locale était suspicieuse et hostile, et les talibans étaient déterminés à reprendre leur bastion. Les forces canadiennes ont dû s’adapter, tout comme la nature de la mission de la COCIM et de la OPPSY.
COCIM À KANDAHAR
LA CONTRE-INSURRECTION
Les talibans, pour la plupart pachtounes, avaient lancé leur mouvement à Kandahar et y avaient entretenu des liens solides avec certaines tribus. Les relations avec les habitants de la région étaient alors plus tendues et hostiles qu’elles l’avaient été à Kaboul.
Vers 2006, au moment même où les Canadiens arrivaient à Kandahar, les talibans se sont regroupés et ont lancé une tentative pour reprendre le contrôle de l’Afghanistan. Ils ont infiltré les villages et établi des centres de résistance à Kandahar et aux alentours, malgré l’étroite proximité des bases canadiennes ; les Canadiens ont commencé à faire l’objet d’attaques de plus en plus fréquentes. Les talibans usaient principalement de tactiques de guérilla pour se battre et se cachaient parmi les habitants. Les dispositifs explosifs de circonstance, placés le long des routes dont les soldats avaient pris possession, ainsi que les bombes humaines étaient à l’origine de la majorité des morts canadiennes.
En haut: Patrouiller dans les rues de Kandahar fait partie du quotidien des soldats canadiens qui y sont stationnés. Cependant, patrouiller est aussi une mission dangereuse. En plus de devoir opérer dans un environnement urbain dense, les soldats en patrouille sont exposés au risque de bombardement ou d’embuscade de la part des insurgés, par exemple.
Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar
Lorsque les forces canadiennes ont rejoint Kandahar, les équipes de la COCIM ont intégré l’Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar (EPRK), qui était basée au camp Nathan Smith.
Les EPR étaient des opérations conjointes civiles et militaires qui visaient à soutenir les projets de développement, l’amélioration de la sécurité et le renforcement des capacités des administrations locales. Le personnel non militaire d’une EPR comprenait souvent des diplomates, des travailleurs humanitaires, des policiers et des agents de correction. Le personnel militaire était composé d’ingénieurs militaires, d’équipes de la COCIM qui rencontraient les habitants, travaillaient avec eux et coordonnaient les ressources de l’EPR, ainsi que de groupes de protection des forces qui escortaient et protégeaient les équipes de la COCIM et les travailleurs humanitaires civils.
Camp Nathan Smith
L’EPR de Kandahar était basée au camp Nathan Smith, dans une ancienne usine de conserves au cœur de la ville. Nommé en l’honneur d’un soldat canadien tué par un tir ami en 2002, ce camp de taille moyenne comportait une salle d’entraînement, des cuisines tenues par des Canadiens, et même une piscine. Malgré être situé dans le cœur de la ville, le camp Nathan Smith a reçu moins de tirs de roquettes et d’attaques que la base voisine des forces de l’OTAN, à l’aéroport de Kandahar. Probablement que les nombreux projets de développement du EPRK dans les communautés voisines y ont contribué !
« DÉGAGER, TENIR ET CONSTRUIRE »
Dans ce contexte de contre-insurrection, les activités d’influence telles que la COCIM revêtaient la plus haute importante, car il était nécessaire de stabiliser et de rallier la population locale ainsi que d’isoler les talibans.
Le Canada a employé la stratégie de contre-insurrection « Dégager, tenir et construire » (Clear – Hold – Build) : débarrasser la zone de ses talibans, y maintenir la sécurité et promouvoir son développement. Toutefois, avec des troupes limitées et une insurrection croissante, il arrivait souvent que les Canadiens nettoyaient une zone et essayaient de bâtir des services essentiels comme des écoles pour ensuite les voir se faire incendier par les talibans quelques mois plus tard.
OPPSY À KANDAHAR
Les unités de OPPSY à Kandahar jouaient un rôle important dans le support au combat. Elles transmettaient notamment des messages aux civils sur la façon de se protéger lors des attaques, les endroits où se réfugier et la manière de communiquer avec l’armée en cas de situation suspecte. Elles pouvaient également cibler individuellement certains présumés talibans et demander aux habitants de fournir des informations sur ceux-ci. Les unités sur le terrain pouvaient ainsi recueillir des informations et évaluer l’efficacité de leurs types de message. Ceux-ci pouvaient ensuite être modifiés par leurs collègues au quartier général.
Messages à l’ennemi
Avoir un ennemi qui n’attaque pas est le meilleur moyen de protéger les soldats des attaques. Les unités des OPPSY s’efforçaient de faire savoir aux insurgés que s’ils se rendaient, ils ne seraient pas tués. Comme les talibans ne connaissaient pas bien les conventions militaires occidentales telles que les Conventions de Genève, les unités des OPPSY devaient trouver un moyen de leur indiquer que s’ils se rendaient, ils bénéficieraient de droits en tant que prisonniers. Elles les informaient également de la façon de capituler.
KAF, FOBs et Strongpoints
Le quartier général des OPPSY était à l’Aéroport international de Kandahar (KDH). Mieux connue sous son sigle anglais KAF, la base était un grand camp multinational basé dans le plus grand aéroport du sud du pays. C’est à cet endroit que la FIAS avait établi son quartier général régional au sud. Il accueillait plus de 25 000 membres du personnel de l’armée, travailleurs humanitaires civils et employés de soutien en provenance du Canada, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de nombreux autres pays.
Les unités tactiques d’OPPSY passaient aussi beaucoup de temps en-dehors de KAF ; sur le terrain, avec les brigades de combat, et restant dans des Base opérationnelle avancée (FOB, en anglais) ou des strongpoints. Les FOBs étaient des petits postes avancés établis souvent dans des zones dangereuses. Ils étaient bien sécurisés, toutefois, et plusieurs offraient aussi un peu de conforts comme des cuisiniers pour préparer des plats pour que les soldats ne mangent pas juste leurs rations.
Les victimes des forces de la coalition de l’OTAN
Les pertes en vie humaine de l’OTAN étaient une partie tragique et constante du quotidien des personnes vivant à KAF durant les années 2005 à 2011. Pour chaque membre tué, une cérémonie de rapatriement était tenue. Celles-ci étaient appelées les « cérémonies de la rampe », du fait que les soldats s’alignaient le long du tarmac pour saluer leur camarade disparu avant que sa dépouille embarque dans l’avion du retour. Bien que les Canadiens à KAF étaient seulement obligés d’assister aux cérémonies pour les autres soldats canadiens, il arrivait souvent qu’ils assistaient aux cérémonies organisées par les autres états membres de la coalition par respect au décédé. 3 576 soldats de l’OTAN furent tués durant la mission en Afghanistan, incluant 159 Canadiens.
Les victimes civiles
Les civils afghans ont énormément souffert de la guerre qui s’est déroulée dans leurs villes et villages. Le projet Costs of War estime que plus de 46 000 civils afghans sont morts au cours de ce conflit de 20 ans et que beaucoup d’autres ont été blessés ou déplacés. Les décès de civils ont été les conséquences directes ou indirectes des actions des insurgés et de celles des États-Unis et de l’OTAN.
En décembre 2009, un attentat suicide à Kaboul visant un collaborateur du gouvernement afghan a fait huit morts et 40 blessés. Sur cette photo, cette femme est évacuée par un membre de l’armée afghane et un agent de sécurité. Les attentats suicides étaient fréquents et permettaient aux insurgés de poursuivre les combats dans les grandes villes afghanes.