La naissance des bataillons

Recrutement

Les Canadiens s’enrôlent d’abord par patriotisme, pour combattre les Allemands ou pour l’aventure du voyage outremer. Des journaux, des affiches, des membres du clergé et des politiciens encouragent les hommes à s’engager pour remplir leur devoir auprès du roi et de la patrie.

Des affiches et des journaux de recrutement incitaient les hommes à servir dans l’armée et les Canadiens à soutenir l’effort de guerre en fournissant de la nourriture et d’autres provisions, et en fabriquant des armes.

 

 

 

 

Le mot « lâche » était utilisé pour humilier les hommes qui ne s’étaient pas enrôlés.

 

 

 

 

On s’attend à ce que tous les Canadiens mettent la main à la pâte.

 

 

 

 

Certaines affiches étaient adressées aux femmes pour les inciter à encourager leur mari et leurs fils à s’engager.

 

 

Le gouvernement du Canada, voulant accroître le nombre de volontaires, abaisse les critères d’enrôlement et commence à accepter les volontaires issus des minorités. Jusqu’à ce moment, les canadiens des communautés racisées ne pouvaient se joindre à l’armée. Malgré l’obtention de ce droit, le combat pour l’égalité de tous sera loin d’être gagné à la fin de la guerre.

Montréal et Westmount, début des années 1900

D’abord nommé village de Notre-Dame-de-Grâce en 1874, le village devient la ville de Côte-Saint-Antoine en 1890 avant d’être officiellement rebaptisé Westmount en 1895. 

Entre 1876 et 1890, la population de Westmount est passée de 200 à 1 850 personnes. Au début des années 1900, un peu plus de 500 000 personnes vivaient à Montréal. À cette époque, la population de Westmount comprenait des financiers, de riches hommes d’affaires et leurs familles, dont beaucoup ont perdu leurs fils au cours de la Première Guerre mondiale.

Plus de 1 500 habitants de Westmount se sont portés volontaires lors de la Première Guerre mondiale, dont un grand nombre au sein du RMR et d’autres unités.

Westmount, 1914. Craignant de l’espionnage, les dirigeants demandent à la population de fermer toutes les stations de communication sans fil.

Lorsque la guerre a éclaté, de nombreux Montréalais ont voulu faire leur part pour combattre l’ennemi et ont répondu à l’appel aux armes avec enthousiasme. Pour coordonner l’effort de guerre de la ville, le Royal Montreal Regiment a été formé au début du mois d’août 1914. À cette époque, il s’appelait le « 1st Regiment, Royal Montreal Regiment » et il a été formé en combinant trois régiments de milice importants de Montréal : Le 1er régiment, Canadian Grenadier Guards (372 hommes et 12 officiers) ; le 3e régiment, Victoria Rifles of Canada (355 hommes et 12 officiers), et le 65e régiment, Carabiniers Mont-Royal (276 hommes et 8 officiers).

Peu de temps après, le ministre de la Milice a créé le Corps expéditionnaire canadien (CEC) afin que les 424 000 Canadiens qui se sont rendus en France et en Belgique entre 1914 et 1918 fassent partie d’une même force organisée de façon centralisée. Au sein de cette organisation militaire, le Royal Montreal Regiment était connu sous le nom de 14e Bataillon (RMR) du CEC.

Composé d’hommes anglophones et francophones, le RMR « illustre plus que tout autre bataillon de la 1ère division canadienne l’esprit d’unité entre ces deux grandes races ».

Quelques dates

6 AOÛT : Début du recrutement actif pour le RMR

8 AOÛT : Valcartier (au nord de la ville de Québec) est désignée comme base pour le CEC

18 août : 983 hommes et 32 officiers quittent Montréal en tant que Royal Montreal Regiment

22 AOÛT : Le RMR est envoyé à Valcartier

Capitaine Francis Scrimger

Francis Alexander Caron Scrimger naît à Montréal en février 1881 et fréquente l’école secondaire de Montréal avant d’étudier la médecine à l’université McGill. Il est bilingue et parle l’anglais et le français. Il s’enrôle en septembre 1914 et rejoint le 14e bataillon (RMR) en tant qu’officier médical.

Le capitaine Scrimger participe à la deuxième bataille d’Ypres en avril 1915, au cours de laquelle il reçoit la Croix de Victoria.

« L’après-midi du 25 avril 1915, dans les environs d’Ypres, alors qu’il était responsable d’un poste de secours avancé dans certains bâtiments de ferme, qui étaient lourdement bombardés par l’ennemi, il a dirigé sous un feu nourri le retrait des blessés, et il a lui-même porté un officier gravement blessé hors d’une écurie à la recherche d’un lieu plus sûr. Lorsqu’il ne put porter seul cet officier plus loin, il resta avec lui jusqu’à ce qu’on puisse obtenir de l’aide. Pendant les très durs combats entre le 22 et le 25 avril, le capitaine Scrimger fit preuve jour et nuit du plus grand dévouement à son devoir parmi les blessés du front ».

Le capitaine Scrimger perd un doigt après avoir contracté une infection au cours d’une opération. Une fois remis de son amputation, il continue à soigner les blessés dans divers hôpitaux militaires jusqu’à son retour au Canada en 1919. Il devient ensuite le chirurgien en chef de l’hôpital Royal Victoria de Montréal jusqu’à sa mort en mars 1937.

Lieutenant George B. McKean

George Burdon McKean naît en 1888 en Angleterre. Il immigre au Canada à l’âge de 14 ans après la mort de ses parents et s’installe à Lethbridge, en Alberta, où il travaille comme agriculteur. Il tente à trois reprises de s’enrôler avant janvier 1915 et est refusé, probablement parce que sa taille ne correspond pas aux exigences. Ironiquement, lorsqu’il est finalement autorisé à s’enrôler, sa petite taille en fait un très bon éclaireur, puisque cela lui permet de voyager à travers le no man’s land sans être repéré par l’ennemi.

Le lieutenant McKean reçoit la Croix de Victoria pour son action dans le secteur de Gravelle en avril 1918.

« Pour sa bravoure et son dévouement les plus remarquables lors d’un raid sur les tranchées de l’ennemi. Le groupe du lieutenant McKean, qui opérait sur le flanc droit, a été retenu à un bloc dans la tranchée de communication par un tir très intense de grenades à main et de mitrailleuses. […] Réalisant que si ce bloc n’était pas détruit, le succès de toute l’opération pourrait être anéanti, il courut à découvert sur le flanc droit du bloc, et, au mépris total du danger, sauta par-dessus le bloc la tête la première sur l’ennemi. […] La splendide bravoure et l’élan de cet officier ont sans aucun doute sauvé de nombreuses vies, car si cette position n’avait pas été prise, l’ensemble du groupe d’attaque aurait été exposé à un dangereux feu d’enfilade pendant le retrait. Ses qualités de chef ont toujours été inestimables ».

Peu après la guerre, McKean intègre l’administration de l’Université Khaki du Canada. Il s’installe ensuite  à Brighton, en Angleterre, où il se marie et exploite une scierie. En novembre 1926, il est tué dans un accident de travail lorsqu’une lame de scie se brise et l’atteint à la tête.

Qui sont les canadiens-français?

Le terme «Canadien français» désigne les habitants du Canada dont la langue maternelle est le français. Leurs ancêtres viennent généralement de France. En 1911, le Canada compte sept millions d’habitants dont un tiers de Canadiens français. La plupart habitent au Québec, seule province majoritairement francophone. D’autres communautés d’envergure variable existent à travers le pays mais elles sont minoritaires.

Vers la fin du 19e siècle, la société canadienne-française est assez homogène. La religion catholique est omniprésente et la majorité des gens vivent à la campagne. La crise économique et la pénurie de terres agricoles provoquent un exode vers les villes, mais aussi vers les États-Unis. Près d’un million de francophones vont trouver du travail de l’autre côté de la frontière.

Une série d’incidents depuis les années 1870 ont durci les relations entre francophones et anglophones. Des mesures visant l’interdiction de l’enseignement du français dans les écoles sont proposées dans plusieurs provinces canadiennes. C’est l’indignation au Québec, où les gens n’ont pas oublié la pendaison de Louis Riel en 1885. Il était le défenseur des droits des Métis, population née en grande partie d’un métissage entre francophones et Amérindiens.
Les canadiens-français gardent aussi une rancoeur contre l’empire britannique suite à la Rébellion des Patriotes de 1837 et au rapport Durham qui suivit.

Les Canadiens français étaient en Amérique du Nord depuis plusieurs générations et ne ressentaient plus de loyauté particulière ou de proximité avec l’Europe, terre de leurs lointains ancêtres. Au contraire, de nombreux Canadiens anglophones étaient de la première ou de la seconde génération de leur famille dans le pays et se sentaient personnellement touchés par le conflit. Néanmoins, il était clair pour les deux groupes que le conflit était mondial. Les critiques concernant le faible niveau de participation des francophones à l’effort de guerre étaient dérangeantes pour plusieurs. Désireux de prouver leur patriotisme, une délégation francophone est formée et demande officiellement la création d’un bataillon canadien-français devant le Premier ministre canadien Robert Borden, le 28 septembre 1914, à Ottawa.

Médecin, Arthur Mignault a fait fortune dans l’industrie pharmaceutique. Chirurgien-major des Carabiniers Mont-Royal de la milice non permanente, ancêtre des Fusiliers Mont-Royal de Montréal, il offre offre 50 000$ de sa fortune personnelle pour l’organisation et l’équipement d’un bataillon regroupant tous les Canadiens français du pays et même les Franco-Américains résidant aux États-Unis. Une somme colossale en 1914 !

Ces démarches sont médiatisées par le journal La Presse dont le gérant de rédaction de ce quotidien, Lorenzo Prince, soutient la cause. La Presse réclame la formation d’une unité francophone dès le début de la guerre et elle restera un précieux outil de recrutement. Une foule d’environ 20 000 personnes s’est réunie pour entendre les discours de la délégation canadienne-française en faveur de la création d’une unité militaire francophone.

Devant un tel mouvement, Borden accepte la création d’un bataillon d’infanterie francophone. Le 21 octobre 1914, il voit le jour sous le nom de Régiment Royal canadien-français. Les bataillons intégrés au Corps expéditionnaire canadien étant numérotés, le Régiment se voit attribuer le chiffre 22. Le 22e Bataillon canadien-français est né !

Le 22e Bataillon à l’entraînement

C’est à Saint-Jean-sur-Richelieu, sur la rive sud de Montréal, que les 1000 volontaires du 22e Bataillon s’initient à la vie militaire : maniement des armes, exercices et de longues marches. À l’étroit dans les casernes d’une unité de cavalerie, l’insalubrité et l’ennui causent des désertions… Le journal La Presse incite donc la population à envoyer jeux et livres. Il organise même une visite par train à Saint-Jean pour les familles pendant le temps des Fêtes.

Mars 1915 : nécessitant de meilleures installations, le 22e Bataillon quitte en direction d’Amherst, en Nouvelle-Écosse. L’accueil est froid dans cette petite ville anglophone. Pendant son séjour, le 22e Bataillon s’implique dans la communauté, adoptant une conduite exemplaire. Les préjugés tombent et la ville est bien triste de le voir repartir deux mois plus tard.

Après une traversée de dix jours à bord du navire HMT Saxonia, le 22e arrive le 30 mai 1915 au camp d’entraînement d’East Sandling, en Angleterre. Ce sont les derniers exercices avant le départ pour le front. Malgré l’entraînement reçu, l’arrivée sur la ligne de feu sera un véritable choc.

D’où vient le surnom “Van Doos”?

Durant la Première Guerre mondiale, ce sobriquet vient d’une prononciation déformée du chiffre “vingt-deux” en français par les militaires anglophones. L’appellation Van Doos est encore fréquemment utilisées aujourd’hui pour désigner le Royal 22e Régiment en anglais.

Malgré que le 22e Bataillon ait été créé pour répondre à un besoin d’avoir une unité francophone provenant des quatre coins du Québec, ses origines renferment quelques particularités distinctes internationales.

Deux membres du 22e Bataillon reçoivent la Croix de Victoria

Caporal Joseph Kaeble

Né le 5 mai 1892, Joseph Kaeble s’enrôle dans le 189e Bataillon le 20 mars 1916. Le 13 novembre 1916, lors des préparatifs pour l’attaque de la Crête de Vimy (France), il est transféré au 22e Bataillon.
Le 16 septembre 1918, le gouvernement lui décerne, à titre posthume, la Croix de Victoria.
Il s’est comporté en véritable héros durant la bataille qui a eu lieu à l’ouest de Neuville-Vitasse (France), dans la nuit du 8 au 9 juin 1918. À cette occasion, il fit preuve de zèle dans l’accomplissement de son devoir, alors qu’il commandait une section de mitrailleuses dans la première ligne de tranchées et sur laquelle fut tenté un puissant raid par l’ennemi. Tous les hommes de sa section ayant été blessés, le caporal Kaeble bondit hors de la tranchée et fonça tout droit sur l’ennemi en vidant tous les chargeurs de sa mitraillette. Blessé à plusieurs reprises par des tirs ennemis, il tomba à la renverse dans la tranchée, mais continua néanmoins de faire feu sur les attaquants jusqu’à ce qu’il s’évanouisse. Ses derniers mots furent : « Tenez bon les gars! Ne les laissez pas passer! Il faut les arrêter! » Grièvement blessé aux jambes, aux bras, au cou et à la main gauche par des éclats d’obus, il succomba à ses blessures le lendemain, 9 juin 1918.

Lieutenant Jean Brillant

Né le 15 mars 1890, Jean Brillant fait d’abord des études au Collège Saint-Joseph de Memramcook (Nouveau-Brunswick), qu’il termine ensuite au Séminaire de Rimouski.
Il s’enrôle dans le 189e Bataillon le 11 janvier 1916.
Le 27 octobre 1916, il se dirige vers la France et rejoint le 22e Bataillon (canadien-français), cantonné dans le nord-est du pays.
Durant les affrontements à Amiens (France), il est blessé au bras gauche alors qu’il élimine à lui seul deux mitrailleurs. Refusant d’être évacué, il poursuit le combat le 9 août 1918, en dirigeant cette fois deux pelotons lors d’un terrible combat à la baïonnette et à la grenade. Avec l’aide de ses hommes, il capture 15 mitrailleuses et fait 150 prisonniers. Blessé à la tête, il refuse toujours d’être évacué. Le lendemain, pendant qu’il mène une attaque contre un canon qui s’acharne sur son unité, il est grièvement atteint à l’abdomen par des éclats d’obus. Le 10 août, le lieutenant Brillant succombe à ses blessures, à l’âge de 28 ans. Son corps est inhumé au cimetière militaire de Villers-Bretonneux, situé à 15 km à l’est d’Amiens. Pour sa bravoure exceptionnelle et son zèle infatigable dans l’accomplissement de son devoir, il se voit octroyer la Croix de Victoria à titre posthume, la plus haute distinction du Commonwealth.

Vérifie tes connaissances!

Quelques statistiques

De nombreuses denrées étaient nécessaires afin de nourrir tous ces soldats. Non seulement on devait équiper tous ces hommes pour qu’ils soient prêts au combat, il fallait également les nourrir!

De plus, environ 256 000 chevaux et mules ont péri aux côtés des armées du Commonwealth sur le front occidental.

Les chevaux servaient au soutien logistique, car ils étaient plus fiables que les véhicules, particulièrement dans la boue.