Les combats cessent peut-être en novembre 1918, mais il faut ensuite neuf mois pour ramener au Canada les 300 000 personnes (soldats et autres travailleurs) mobilisées en Europe. Cette longue durée s’explique par plusieurs facteurs : l’organisation administrative déficiente de l’Armée canadienne, des grèves et un manque de bateaux pour faire le voyage. En fait, les bateaux qui étaient utilisés pendant la guerre même ont retrouvé leur fonction originale de transporter des produits commerciaux avant d’avoir ramener tous les soldats chez eux !
Pendant ce temps, les soldats étaient agités et impatients de retrouver leur vie civile après avoir passé autant de temps loin de chez eux. Les soldats chargés d’occuper l’Allemagne sont, pour la plupart, ceux qui sont en Europe depuis le plus longtemps, soit depuis 1915. Toutefois, il devient frustrant pour eux de se voir confier une nouvelle mission alors qu’il y a des troupes plus « fraîches et dispos » stationnées en Grande-Bretagne. Mais les choses ne vont pas mieux là-bas.
Les Canadiens s’y trouvant attendent leur retour à la maison dans des camps de passage, où les conditions de vie sont médiocres : la nourriture est rationnée et peu appétissante, et les espaces de vie offrent peu de protection contre les dures conditions météorologiques. En plus de tout cela, une épidémie particulièrement virulente, commencée en février 1918, complique le retour des troupes. À leur retour au pays, les soldats ramènent ainsi malheureusement la grippe avec eux, ce qui entraîne la mort de plusieurs civils. Malgré des contrôles médicaux très strictes, l’épidémie d’Influenza (aussi référée comme étant la « grippe espagnole ») est la cause de décès de 50 000 Canadiens.
Un groupe d’hommes portant des masques pendant l’épidémie de grippe, 1918 (Bibliothèque et Archives Canada).
La frustration atteint son apogée le 4 mars 1919, à North Wales, alors que plusieurs soldats canadiens se rebellent contre leurs officiers à Kinmel Park, un des plus gros camps de passage de la Grande-Bretagne et qui logent plus de 15 000 soldats. L’émeute dure deux jours et entraîne la mort de plusieurs soldats canadiens. L’émeute de Kinmel Park n’est également pas un incident isolé. En effet, plusieurs actes de mutinerie sont lancés dans d’autres lieux où des troupes attendent leur retour au Canada. Plus de 267 000 soldats (au rythme de 50 000 soldats par mois) sont éventuellement rapatriés par la mer, culminant à la démobilisation complète de l’armée canadienne en août 1919.
Photo prise pendant les émeutes du camp Kinmel Park en 1919 (Musée canadien de la guerre).
Le camp Whitley après une série d’émeutes en 1919 (Musée canadien de la guerre).
« À cette époque, nous avons connu ce qu’on appelle les émeutes de Rhyl. La guerre était terminée, on ramenait les soldats de France pour les renvoyer chez eux, et nous, qui venions de partir, nous avons été retenus là-bas pendant un certain temps en attendant que nos papiers arrivent. Ils étaient très déçus d’être retenus là-bas alors que les nouveaux arrivants partaient les premiers, et ils ont déclenché une émeute. D’une manière ou d’une autre, quelqu’un s’est procuré des armes à feu, ce qui a déclenché l’émeute. Je me souviens d’un gars du nom de Hickman, de Dorchester. Il faisait partie du premier contingent et il a été tué par accident pendant cette émeute. »
Réfléchis: Pourquoi ces soldats sont-ils en colère ? Quelles sont les causes de leur frustration ? Cette dernière est-elle justifiée ?
Le coût de la victoire
Environ 40% de tous ceux qui ont servi outre-mer sont revenus en portant les traces de la guerre sur leur visage ou leur corps. La défiguration, les corps brisés et les blessures mentales occasionnent de sérieux problèmes quand vient le temps de réintégrer la société : difficulté à trouver du travail, isolement social, perte d’identité et de fierté, difficulté à trouver un compagnon, alcoolisme et même suicide.
Cependant, le désir d’aider les anciens combattants à réintégrer la société et d’offrir une meilleure vie aux blessés durant les années qui suivent la Première Guerre mondiale engendre un développement rapide des domaines de la chirurgie plastique et des prothèses.
En raison de la nature de la guerre et des services médicaux offerts à l’époque, plusieurs soldats rentrent au pays avec des membres amputés. La forte demande en membres artificiels qui suit la Première Guerre mondiale entraîne une amélioration de la qualité de cette invention. Par exemple, les jambes artificielles fabriquées après la Première Guerre mondiale sont plus efficaces et plus légères que celles fabriquées antérieurement. Les manufacturiers remplacent les matériaux traditionnels, comme le bois et l’acier, par l’aluminium. Ils ont également rembourré la prothèse pour la rendre plus confortable.
Les bras artificiels sont généralement fabriqués à partir de bois, de cuir, de cuir brut et de métal. Considérés comme fonctionnels pour la vie de tous les jours, la plupart des modèles sont munis de pièces interchangeables et de charnières mobiles que l’usager peut modifier selon les exigences d’utilisation. Par exemple, son utilisateur peut passer d’une main en bois à un bras à l’apparence naturelle, ou à un crochet qui facilitera l’exécution de son travail. Dans le but de servir le plus grand nombre d’amputés de guerre possible, la production de membres artificiels passe naturellement de la fabrication personnalisée à la production industrielle.
Après avoir perdu sa jambe gauche pendant la guerre, Sidney Lambert s’est fortement engagé dans la défense des droits des anciens combattants au Canada. En 1920, il a contribué à la création de War Amps, une association nationale pour les amputés de guerre canadiens, et y est resté actif jusqu’à sa mort (Bibliothèque publique de Toronto).
Ethelbert « Curley » Christian a perdu tous ses membres après qu’un obus ait explosé près de lui pendant la bataille de la crête de Vimy. Malgré son lourd handicap, Christian n’a pas perdu espoir. Après la guerre, sa femme Cleopatra McPherson et lui ont commencé à manifester contre le gouvernement pour obtenir des fonds pour les soins à domicile (Musée canadien de la guerre).
Après la guerre, Pearson Hall est devenu un centre de réadaptation pour les aveugles, où de nombreux Canadiens se rendaient pour apprendre à vivre avec leur handicap. Ce fut également le premier siège de l’Institut national canadien pour les aveugles, fondé par Alexander Viets (ici, deuxième rangée à partir de la gauche), Eddie Baker (première rangée à partir de la gauche) et d’autres camarades (Bibliothèque et Archives Canada).
Des éclats d’obus aux gaz toxiques, environ 200 soldats canadiens ont complètement perdu la vue pendant la guerre, sans compter un nombre inconnu de personnes qui ont subi des lésions oculaires d’une manière ou d’une autre. À l’époque, la cécité était considérée comme une forme d’amputation et les traitements variaient considérablement selon la cause. En Grande-Bretagne, de nombreux soldats se rendaient à St. Dunstan’s Hostel pour apprendre à vivre avec leur nouveau handicap. Malheureusement, de telles établissements n’étaient pas aussi répandues au Canada et de nombreux autres soldats ont dû apprendre auprès de leur propre association ou par eux-mêmes.
Un grand nombre de soldats sont gravement blessés au visage par des éclats d’obus ou des brûlures et sont donc défigurés, tellement qu’ils sont appelés « gueules cassées » ou « gargouilles brisées ». Durant la guerre, Harold Gilles, un officier de la Croix-Rouge de la Nouvelle-Zélande, devient le moteur de l’innovation en matière de chirurgie reconstructive dans le Commonwealth. Il traite des patients et mène des expériences à l’hôpital spécialisé en blessures faciales Queen Mary, à Sicup, près de Londres, en Angleterre.
Le Canadien Frederich Coates a travaillé avec Gilles dans des unités de reconstruction faciale en Angleterre. Sculpteur de métier, Coates a créé des modèles faciaux en plâtre à partir de photos des soldats avant leur blessure. Son travail a ensuite servi de modèles architecturaux que les chirurgiens pouvaient suivre lorsqu’ils tentaient de reconstruire les visages des soldats.
Frederick Coates était sculpteur lorsqu’il s’est enrôlé dans le 2e Corps médical de l’Armée canadienne. Travaillant en étroite collaboration avec Harold Gillies, Coates sculptait des modèles en plâtre du visage des patients afin de préparer les interventions chirurgicales (Archives de l’Université de Toronto).
Certains hommes blessés au visage reçoivent des accessoires prosthétiques retenus par des sangles ou intégrés à leurs lunettes. Ces masques doivent recouvrir entièrement les blessures et, parfois, sur les portraits de soldats, on les voit porter des masques en cuivre ou en étain. Ces derniers sont peints afin d’imiter la couleur de peau des patients qui les portent.
En Grande-Bretagne, la plupart des prothèses faciales ont été fabriquées à l’initiative du capitaine Francis Derwent Wood, qui dirigeait ce qu’on appelait les « Tin Noses Shops ». Wood était un sculpteur passionné et il a aidé à lui seul des centaines de soldats en leur fournissant des masques (Imperial War Museums).
Les pertes auditives n’étaient pas enregistrées pendant la guerre et beaucoup de gens pensaient qu’elles n’étaient, au mieux, que temporaires. Malheureusement, la grande majorité des soldats ont subi des dommages permanents aux oreilles pendant la guerre, ce qui a gravement affecté leur vie civile (Bibliothèque et Archives Canada).
Les tirs constants des armes et des mitrailleuses, doublées des explosions de l’artillerie, des grenades et des mortiers, font des tranchées des endroits particulièrement bruyants. Pendant des bombardements d’artillerie, le bruit entendu sur les champs de bataille peut facilement atteindre les 140 décibels, et ce, durant de longues périodes. Différents niveaux de dommages auditifs sont enregistrés dans les rangs du Corps expéditionnaire canadien, mais ce sont les artilleurs qui souffrent le plus, car ils tirent quotidiennement à répétition et durant des heures avec de gros fusils.
Les hommes qui retournent à la vie civile sont également plus sujets à la maladie en raison de leur longue exposition aux conditions difficiles et insalubres des tranchées. Plusieurs souffrent de douleurs chroniques, de tuberculose, de problèmes pulmonaires et, dans certains cas, de maladies vénériennes.
L’utilisation de gaz toxiques était extrêmement néfaste pour la santé des soldats. Même après leur exposition initiale, s’ils survivaient, beaucoup de soldats développaient des maladies à long terme dues à ces toxines (Musée du Royal 22e Régiment).
Le 26 novembre 1915, le sergent Walter Waddell a vu un obus exploser près de lui. Cette expérience traumatisante lui a causé des douleurs thoraciques, des cauchemars, de la fatigue rapide et des tremblements. Le 10 avril 1916, Waddell a été démobilisé pendant quatre semaines pour des raisons de santés mentales, ce qu’on appelait à l’époque la « neurasthénie ». Il a été blessé à nouveau le 9 septembre de la même année par une balle au genou, ce qui laisse supposer qu’il est retourné au front à un moment donné (Bibliothèque et Archives Canada).
Bien qu’il soit facile de trouver combien de soldats ont été physiquement blessés par la guerre, il est beaucoup plus difficile de savoir quel impact psychologique la guerre a eu sur les soldats. Quelque 9 000 soldats ont été signalés comme souffrant de traumatismes dus aux bombardements, que nous appelons aujourd’hui trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Le coût de la victoire
Les troupes canadiennes ont rapidement acquis la réputation d’être fortes et courageuses. Très vite, elles sont utilisées par les Alliés en tant que « troupes de choc », ce qui signifiait qu’elles étaient envoyées là où la bataille stagnait pour offrir des renforts et briser les lignes ennemies. La stratégie s’avère payante puisque la guerre tourne en la faveur des Alliés en partie grâce aux efforts des Canadiens.
Cependant, ces efforts viennent avec des conséquences. En conséquence, le Corps canadien a subi un nombre important de pertes humaines durant son déploiement en Europe. Des 619 636 Canadiens enrôlés entre 1914 et 1918, 424 000 ont servi outre-mer. De ceux-ci, 59 544 sont morts pendant la guerre et 172 000 d’autres ont été blessés. Cela signifie que 57 % de ceux qui sont partis à l’étranger ont été tués ou blessés.
Réfléchis : Observez les blessures dont souffrent les soldats durant la guerre. Comment peuvent-ils se sentir à leur retour à la maison ? Comment leurs blessures affectent-elles leur vie ?
Mobiliser un pays : le Canada et la Première Guerre mondiale
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