Le 8 mai 1945 est proclamé la victoire des Alliés sur les forces fascistes en Europe. En d’autres mots : c’est le jour de la Victoire en Europe ! Attendu depuis longtemps, les Canadiens et les Canadiennes célébrèrent ainsi la fin de la Deuxième Guerre mondiale dans les rues des plus grandes villes du pays et de l’Europe.
Durant la Deuxième Guerre mondiale, qui dura près de cinq ans et demi, plus d’un million de Canadiens et Canadiennes servirent dans l’Atlantique Nord, en Italie, à Hong Kong, aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. Au total, un Canadien sur onze y prit part et, en total, 42 000 furent tués (22 917 dans l’armée, 17 101 dans l’aviation et 2 024 dans la marine). Ce fut une guerre longue et pénible dont la fin était espérée depuis longtemps. Lorsque le jour de la Victoire en Europe (« VE Day ») fut déclaré le 8 mai 1945, de joyeuses célébrations battirent leur plein dans les rues et les quartiers du monde entier.
La fin de la guerre
La capitulation de l’Allemagne ne fut pas une surprise pour les Alliés. En effet, depuis le début de la campagne d’Italie, le 23 septembre 1943, et le débarquement de Normandie, le 6 juin 1944, la défaite nazie était inévitable. Les choses se concrétisent davantage le 30 avril 1945 lorsque Adolf Hitler se suicide dans son bunker. De fait, des premiers rapports et des rumeurs voulant que l’Allemagne se rendrait après la mort du führer circulaient déjà avant le début des célébrations officielles !
Comme de fait, le 7 mai 1945, l’Allemagne nazie signe la reddition inconditionnelle face aux armées alliées. Pour l’Europe, la guerre était terminée. La nouvelle parvint au Canada le même jour et le premier ministre Mackenzie King, qui était à San Francisco ce jour-là, y écrit en réponse dans son journal : « La journée d’aujourd’hui a été bonne, heureuse même… elle a considérablement réduit notre fardeau du fait que le militarisme nazi a enfin été détruit ».

À l’instar du premier ministre, tous n’étaient pas au pays pour célébrer. Quelque 200 000 membres de la 1re Armée canadienne étaient toujours sur le continent européen le jour de la Victoire en Europe. De plus, 19 escadrons de chasseurs et de chasseurs bombardiers de l’Aviation royale canadienne (ARC), de même que 250 navires de guerre de la Marine royale canadienne (MRC), étaient à l’étranger au moment où la victoire en Europe fut officiellement déclarée. Cependant, des centaines de ces militaires de la marine et de l’aviation se joignirent aux festivités en Grande-Bretagne et en France.
Les célébrations en Europe et au Canada
La nouvelle de la fin de la guerre fut accueillie avec grand enthousiasme dans toutes les grandes villes européennes. Partout en Europe, de nombreuses villes avaient été plongées dans le noir pendant près de cinq ans sans interruption en raison de la menace imminente des raids aériens ennemis. Le 8 mai 1945, les lumières purent de nouveau briller.
Ajoutant à l’enthousiasme général, les magasins fermèrent pour faire place aux défilés, aux concerts, à la chanson et à la danse. Partout en Europe, les grandes rues étaient bondées de personnes qui fêtaient soit la fin des combats, soit la libération. La future reine Elizabeth II célébra elle-même incognito la fin de la guerre dans les rues de Londres ! En plus des célébrations en Union Soviétique, en Pologne et en France, la majorité des célébrations canadiennes se passèrent en Grande-Bretagne, où plusieurs troupes étaient encore en garnison.

George « Sparks » Shaker, volontaire civil dans la marine marchande canadienne, se retrouva à Londres le jour de la Victoire en Europe, après quatre ans de détention comme prisonnier de guerre dans un camp allemand. Il avait été libéré quelques semaines seulement auparavant, et le hasard voulut qu’il fasse escale à Londres en retournant au Canada. Dans son journal, on peut lire :
« La population entière de Londres était en liesse. Les hommes et les femmes s’embrassaient et s’étreignaient. Montée sur des statues et des lampadaires, et du haut des fenêtres, une mer de monde criait sa joie. Les cloches sonnaient l’allégresse – un chahut qu’il faisait si bon entendre. Une joyeuse mélodie enveloppait la ville. » (source)
Shaker se rappelle aussi la splendeur avec laquelle brillaient les lumières de Londres ainsi que la générosité que lui manifestèrent de parfaits inconnus :
« On nous dirigea vers un hôtel fréquenté par du personnel de la marine. Le gérant nous trouva une chambre après avoir entendu notre récit. Une fois installés, mes amis et moi sortîmes dans les rues de Londres pour prendre part à la plus grande célébration de tous les temps. » (source)

Au Canada, les célébrations se portèrent dans toutes les grandes villes du pays. Normalement, l’annonce de la reddition allemande ne devait se faire que 36 heures après la signature, mais les journalistes furent rapides à publier la nouvelle ! De fait, les Canadiens et les Canadiennes fêtent leur célébration le 8 mai.
À Toronto, des parades, des concerts, des célébrations religieuses et des feux d’artifices ponctuèrent l’enthousiasme des gens dans les rues. À Québec, les gens mettent leurs plus beaux habits et se rendent à la basilique-cathédrale de Notre-Dame-de-Québec pour écouter le discours du cardinal Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve et du maire Lucien Borne. À Montréal, l’article de la journal de The Gazette décrivait l’ivresse joyeuse des citoyens… et des automobilistes : « their horns howling, their drivers zig-zagging and foolhardy merrymakers hanging on to mudguards, spare tires, hoods, fenders, radiator caps – anything they could get a foothold or a handhold. » (source)


À Ottawa, le résidant James McKinlay Sharp prit sa caméra et filma les foules dans les rues. Ses films se retrouvent aujourd’hui dans les collections du Musée Canadien de la Guerre, mais le Canadian Army Newsreels a plusieurs scènes filmées des célébrations à Moncton, à Montréal et à Ottawa :
Reconnaître les pertes
Si la victoire fut remportée en Europe, personne n’oubliait que la guerre était nécessairement terminée. En effet, il restait des zones de résistance: les soldats canadiens poursuivirent leur mission de libérer les Pays-Bas des derniers vestiges de l’occupation allemande et la guerre continuait de faire rage dans le Pacifique – sans mentionner les centaines de Canadiens encore emprisonnés dans des camps à Hong Kong et au Japon. Le premier ministre King prit la parole à la radio pour rappeler à ses concitoyens canadiens que « l’empire nazi [n’était] plus, mais [que] nous [devions] combattre le militarisme japonais jusqu’à la victoire complète ». Effectivement, pendant ce temps, les fabricants canadiens continuaient de produire du matériel de guerre pour aider à combattre l’armée japonaise.
Malgré l’allégresse ambiante, les millions de décès et les horreurs de la guerre tempérèrent l’enthousiasme de plusieurs. Durant les célébrations du 8 mai, le maire de Vancouver déclara notamment :
« Of course, each one will celebrate the end of the war in his or her own way, but I further suggest that our jubilation be tempered with the thought that there will be little joy in thousands of Vancouver homes where an only son, or several sons or other members of the family have given their lives to make V-Day possible. » (source)
Des communautés de partout au Canada furent durement éprouvées par la perte tragique de jeunes hommes et femmes. Beaucoup de personnes devinrent aussi veufs et veuves. Dans la petite ville de Sackville, au Nouveau-Brunswick, 350 hommes s’étaient enrôlés – dix pour cent de la population – de ce nombre, 33 y perdirent la vie. Pour les résidents de nombreuses municipalités, le jour de la Victoire en Europe devint un jour de commémoration et de réflexion plutôt que de célébration.

Conclusion
La participation du Canada dans la Deuxième Guerre mondiale fut coûteuse. En plus des 42 000 militaires qui périrent, 54 000 furent blessés et 1 600 bénévoles civils de la marine marchande sacrifièrent leur vie pour la cause. Pour ceux qui retournèrent au pays après leur service à l’étranger, l’expérience représentait un chapitre clos, autant dans leur propre vie que dans l’histoire du Canada ; ils se réjouissaient de pouvoir enfin bâtir une vie normale et plus belle pour eux-mêmes, et une meilleure nation pour le peuple canadien.
Photo de couverture : Militaires et civils célébrant le jour de la Victoire en Europe sur la rue Sparks, à Ottawa, 8 mai 1945 (source : Bibliothèque et Archives Canada / MIKAN no. 3193129).
Réimprimé ici avec l’autorisation de Valour Canada dans le cadre d’une collaboration entre JMS et Valour Canada. Pour voir d’autres articles comme celui-ci, consultez leur bibliothèque d’histoire militaire (en anglais seulement). Texte originalement publié le 7 mai 2020. Modifié et enrichi par Julien Lehoux, le 8 mai 2025, pour Je me souviens.
Sources :
- « From the archives: Montreal celebrated victory a day early », The Gazette (en anglais).
- « George « Sparks » Shaker », Gouvernement du Canada/Government of Canada.
- « Souvenir du jour de la Victoire en Europe », L’Encyclopédie canadienne/The Canadian Encyclopedia.
- « ‘The nightmare is over’: VE-Day as seen at home and abroad », CBC (en anglais).
- « V-E Day and V-J Day: The End of World War II in Toronto, 1945 », City of Toronto (en anglais).
- « V pour victoire », Magazine Continuité.