Congo – Le Canada en tant que membre des Nations-Unies

En 1960, le Congo obtient son indépendance, mais les tensions ethniques et politiques demeurent très vives et invitent les Nations Unies à intervenir. Le Canada répondit alors à l'appel et déploya des troupes pour stabiliser la situation et pour assister les civils dans ce qui constitue sa première grande mission de maintien de la paix.

La crise congolaise des années 1960 a été un épisode complexe de l’histoire du Congo, également connu sous le nom de République démocratique du Congo (RDC), qui a suivi son accession à l’indépendance de la Belgique en 1960. Cette période a été marquée par des troubles politiques, des tensions ethniques, des interventions étrangères et des défis économiques, créant un contexte complexe et instable. C’est en raison de ces tensions que les Nations-Unies ont décidé de former une mission humanitaire au Congo du nom de Organisation des Nations-Unies au Congo (ONUC). Le Canada décide de répondre à l’appel, envoyant plus de 300 soldats, en plus des milliers de travailleurs humanitaires.

Le Congo a été une colonie belge depuis la fin du XIXe siècle sous le règne du roi Léopold II. Durant cette période, le Congo a été exploité pour ses ressources naturelles, principalement le caoutchouc et les minerais, au détriment des populations locales. Cette exploitation a créé des inégalités économiques et sociales profondes. Les mouvements nationalistes congolais ont gagné en force dans les années 1950, conduisant à des appels en faveur de l’indépendance. En 1960, le Congo obtient son indépendance de la Belgique, marquant le début d’une nouvelle ère. Cependant, la transition vers l’indépendance s’est déroulée rapidement, laissant peu de temps pour la mise en place de structures politiques et administratives solides.

Deux signaleurs du détachement de la 57e Unité des transmissions du Canada visitent le marché de Luluabourg avec leur cuisinier congolais pour acheter de la nourriture fraîche pour leur propre consommation, 1961 (source : Ministère de la Défense nationale).

Le Congo était caractérisé par une diversité ethnique importante avec des groupes tels que les Luba, les Lunda, les Kongo et d’autres. Les tensions ethniques ont souvent été exacerbées par des rivalités politiques, notamment entre les partisans du Premier ministre Patrice Lumumba et du président Joseph Kasa-Vubu. Ces tensions ont contribué à l’instabilité politique et sociale. La crise congolaise a été compliquée par des interventions étrangères, notamment celle de la Belgique et des États-Unis. Après l’indépendance, la province riche en ressources du Katanga a fait sécession sous la direction de Moïse Tshombe, avec le soutien de la Belgique et de certaines compagnies minières internationales. Ces ingérences étrangères ont aggravé les tensions et complexifié la résolution de la crise.

Pour faire face à la situation instable, les Nations Unies ont créé l’ONUC en 1960. La mission visait à superviser le retrait des troupes belges, stabiliser la situation et faciliter une transition pacifique. Cependant, l’ONUC a été confrontée à des défis majeurs en raison des rivalités internes et des interventions étrangères.

Timbre commémorant l'indépendance du Congo (source : Alamy).
Le colonel Jean Berthiaume, du Royal 22e Régiment, a dirigé les efforts de l'ONU en tant que premier chef d'état-major de la mission (source : Department of National Defence/Library and Archives).

Dans l’ensemble, la crise congolaise des années 1960 est le résultat de divers facteurs historiques, politiques et économiques. Les enjeux complexes, les rivalités internes et les interventions étrangères ont contribué à une période d’instabilité qui a eu des répercussions à long terme sur la politique et la société congolaises.

Le Canada a répondu à l’appel de l’ONU en 1960 en contribuant des troupes, du personnel civil et des diplomates pour participer à la Mission des Nations Unies au Congo (ONUC). Les forces canadiennes, revêtant les casques bleus distinctifs de l’ONU, ont joué un rôle crucial dans le maintien de l’ordre, la protection des civils et la promotion d’une transition pacifique vers un gouvernement indépendant au Congo. Différents régiments se joignent aux efforts, notamment le Royal 22e Régiment. En raison du passé coloniale du Congo, les militaires canadiens francophones sont privilégiés. L’ONU demande alors l’envoi de signaleurs canadiens-français. Ces hommes jouent un rôle clé dans la mission au Congo et se retrouvent à occuper des postes importants au commandement des Nations-Unies.

L’engagement pendant la crise congolaise ne s’est pas limité aux opérations militaires. Les diplomates canadiens ont également été actifs dans les négociations politiques, travaillant en coulisses pour encourager un dialogue pacifique entre les différentes factions congolaises. Cette approche multifacettes a illustré l’engagement du Canada envers la diplomatie et la paix dans des contextes complexes.

Un exemple notable était la participation du Royal 22e Régiment dans la province du Katanga, où les troupes canadiennes ont été confrontées à des défis considérables, du maintien de l’ordre dans des zones instables à la protection des civils vulnérables. Parallèlement, l’aviation royale canadienne a fourni un appui aérien crucial, effectuant des missions de reconnaissance, de transport de troupes et d’évacuation médicale.

La période autour de l’assassinat tragique de Patrice Lumumba en 1961 a été particulièrement délicate. Le Premier ministre congolais nationaliste, a été capturé et assassiné dans des circonstances controversées. Son meurtre a eu des répercussions majeures sur la stabilité politique du pays, renforçant les divisions internes et créant un vide de leadership. Les troupes canadiennes ont dû opérer dans un environnement politique de plus en plus tumultueux, essayant de maintenir la stabilité tout en faisant face aux défis posés par des factions politiques rivales et des tensions ethniques exacerbées. Les militaires canadiens devaient opérer dans un contexte où les alliances politiques changeaient rapidement, et où les intérêts divergents des factions congolaises et des acteurs internationaux compliquaient la définition claire de l’utilisation appropriée de la force.

Patrice Lumumba in the 1950s (source: Unknown photographer - International Institute of Social History, Amsterdam).

Un aspect important de cette participation était l’application des permissions d’usage de la force définies par le mandat de l’ONUC. Les troupes canadiennes avaient l’autorisation d’utiliser la force pour se défendre et protéger les civils en cas de menaces directes contre leur sécurité. Cela a souvent nécessité des interventions énergiques pour prévenir les violences et maintenir la stabilité dans les zones sensibles.

Malgré ces autorisations d’usage de la force, la mission du Canada était profondément ancrée dans les principes de maintien de la paix des Nations Unies. Nos militaires ont cherché à minimiser les pertes civiles et à favoriser la stabilité à long terme, tout en respectant les limites édictées par le mandat de l’ONUC. Dans le cadre de ces missions, les militaires canadiens ont également joué un rôle essentiel dans la protection des observateurs des Nations Unies et des travailleurs humanitaires, garantissant que ces acteurs civils puissent fonctionner en toute sécurité dans un environnement souvent hostile. Malgré le retrait des troupes de l’ONUC en 1964, la situation du Congo est restée difficile et agitée. Dans les années 90, une nouvelle crise éclate et le Canada est amené à revenir pendant plusieurs semaines. En 1999, l’ONU met en place la mission crocodile au Congo, encore active à ce jour.

Le caporal Stéphanie Côté, membre de la police militaire des Forces armées canadiennes, parle avec des habitants de la République démocratique du Congo le 19 novembre 2021 (source : Ministère de la Défense nationale/ISB0016D0021).

En conclusion, la participation du Canada en tant que peacemakers lors de la crise congolaise des années 1960 a été caractérisée par un engagement multi facettes, combinant des opérations militaires, diplomatiques et humanitaires. Les forces canadiennes ont opéré dans un environnement complexe, utilisant les permissions d’usage de la force de manière stratégique pour répondre aux défis du terrain tout en restant fidèles aux principes fondamentaux des Nations Unies. Ce chapitre de l’histoire démontre l’engagement continu du Canada envers la paix mondiale et sa contribution aux efforts internationaux de maintien de la paix dans des contextes politiques difficiles.

Photo de couverture : Un soldat canadien montre sa mitrailleuse Sterling à deux soldats indonésiens déployés au Congo, 1961 (source : Gouvernement du Canada).

Article rédigé par Aglaé Pinsonnault pour Je Me Souviens.

Sources :

Pour une approche plus académique :