Dollard Ménard – Le commandant des Fusiliers Mont-Royal

Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur le raid de Dieppe : Courage dans le chaos.
Consulter notre exposition pour en apprendre davantage sur le sacrifice des soldats canadiens envoyés attaqué les plages de Dieppe !

Dollard Ménard est probablement le militaire québécois le plus connu dans le pays. Né le 7 mars 1913 dans le petit village de Notre-Dame-du-Lac, dans le Bas-Saint-Laurent, il fait ses études à l’Académie de Québec et reçoit son diplôme à l’Université Laval. En 1932, il s’enrôle ensuite dans l’armée et se rend au Collège militaire royal du Canada — l’une des plus vieilles institutions militaires au pays. À sa graduation en 1936, il reçoit sa commission au sein du Royal 22e Régiment, mais est envoyé, deux ans plus tard, à sa première mission outre-mer : en Inde.

En 1936, le nationaliste pashtoune Mirzali Khan organisa une rébellion contre le gouvernement colonial indien et les forces d’occupation britannique à partir de la frontière indo-afghane. C’est là-bas, de 1938 à 1940, que Dollard Ménard accompagna l’armée indienne et vécut ses premières expériences de combat. Toujours en Asie, le jeune militaire fit aussi une tournée avec la Royal Navy britannique en patrouille à la mer de Chine. Anticipant les tensions grandissantes entre le Japon et l’Empire britannique, Dollard Ménard accosta même un navire japonais pour y inspecter son contenu !

À Dieppe

À 29 ans, Dollard Ménard est promu lieutenant-colonel en 1942 et est envoyé en Grande-Bretagne pour diriger les Fusiliers Mont-Royal. Remplaçant le commandant Paul Grenier, Dollard Ménard avait l’objectif de remettre de l’ordre chez les FMR et de les rendre prêts au combat à seulement quatre mois de l’opération Jubilee. Après une évaluation de tous les éléments du régiment, Dollard Ménard entreprit de grandes réformes en vue de préparer ses soldats pour les prochains mois. S’inspirant de sa formation et de ses expériences aux combats, il concocta ainsi plusieurs exercices de simulation — les battle drill — pour habituer les hommes du régiment à la guerre. Il dépoussiéra aussi plusieurs des véhicules et des armes autrement rangées dans les entrepôts de sorte à les remettre en état et de permettre aux soldats de s’entraîner avec.

Le 19 août 1942, le lieutenant-colonel accompagna son régiment à Dieppe. Sur la plage blanche et rouge, la tâche des FMR était d’épauler la première vague de soldats visant à capturer les positions allemandes. Une fois faits, ils devaient ensuite être déployés en renfort et assister les éléments déjà présents. Cependant, le raid fut un désastre complet et les Allemands ne rencontrèrent aucune difficulté à arrêter les hommes de la première vague. Dû à une erreur de communication faisant croire que la plage était sécurisée, les FMR furent aussi envoyés à la boucherie. C’est à ce moment que Dollard Ménard fut blessé cinq fois par les tirs allemands. Comme il témoigne :

« Je pense que je n’avais fait que trois pas lorsque je fus atteint par une balle pour la première fois. On dit toujours qu’on est atteint par une balle. C’est faux. C’est une erreur. Une balle te frappe en plein fouet, comme un coup de marteau. En premier, tu ne sens pas la douleur. Ça vous ébranle tellement que vous ne savez plus trop quoi vous a frappé, ni où vous êtes atteint. La première balle qui m’a touché m’a atteint à l’épaule droite et précipité par terre. […] Pendant tout ce temps, j’étais étendu sur la plage, exposé au feu de l’ennemi. C’est alors que je fus atteint une deuxième fois et là j’ai eu l’impression d’éclater de partout et je me suis demandé si j’étais encore tout d’un morceau. […] J’eus à me contrôler pour continuer à diriger mes troupes plutôt qu’à me mettre à tirer partout dans le tas. C’est en gagnant le parapet que j’ai été atteint pour la troisième fois, cette fois-ci au poignet droit. Normalement, une balle de puissant calibre éclatant dans votre poignet est censée vous renverser complètement, mais pour une raison inexplicable, je réussis à continuer d’avancer. En une heure, nous avons pris le contrôle de la plage. Mais il y avait encore quelques francs-tireurs allemands dissimulés ici et là et l’un d’eux m’a atteint alors que je tentais de quitter la plage et me rendre aux abords de la ville. Cette fois-ci, il m’atteignit à la jambe droite, au-dessus du genou. Malgré tout, j’étais encore désireux de gagner les rues de la ville que certains de mes hommes commençaient à infiltrer. La dernière m’atteignit juste au-dessous de la cheville droite, me clouant au sol définitivement. » (Pierre Vennat, Dieppe n’aurait pas dû avoir lieu, Montreal, Éditions du Méridien, 1991, pp. 71-72).

Heureusement, ses hommes réussirent ensuite à le ramener à bord des navires britanniques avoisinant la plage. Dollard Ménard survécut alors le raid et fut le seul commandant déployé sur la plage à être revenu en Grande-Bretagne.

Cette affiche représente la charge menée par Dollard Ménard durant le raid de Dieppe et fut utilisé pour inciter l’enrôlement des Canadiens français durant la guerre (source : Bibliothèque Archive Canada).

Sa carrière après

Malgré ses blessures, le lieutenant-colonel continua tout de même à participer à l’effort de guerre : menant le Régiment de Hull à l’occupation de l’île de Kiska (autrefois occupé par l’armée japonaise) et commandant le centre d’entraînement de Valcartier. Dollard Ménard continua aussi sa carrière militaire bien après la Deuxième Guerre mondiale. En 1947, au nom de la toute nouvelle Organisation des Nation-Unies, il retourne en Inde pour participer à un accord de cessez-le-feu à la suite de la Première Guerre indo-pakistanaise. Il arrive ensuite à Paris où il occupe le poste d’attaché militaire pour l’ambassade canadienne jusqu’en 1951.

Promu Brigadier général quelques années plus tard, il devient ensuite le commandant de la Région militaire de l’est du Québec de 1958 jusqu’à sa retraite. Par après, Dollard Ménard resta une figure médiatique connue du Québec avec plusieurs interventions publiques sur l’actualité. En revanche, ce n’était pas sans controverse. En 1980, par exemple, le vétéran se déclara en faveur du référendum pour l’indépendance du Québec, devenant le seul officier haut-gradé de l’armée canadienne se positionnant comme souverainiste. Finalement, après une vie bien animée, il s’éteint en 1997.

Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens.

Sources :