Nance Wright et Madge Trull – Les femmes des bombes


Le renseignement est la clé de la victoire. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les Alliés réussirent à déchiffrer les fameuses machines Enigma utilisées par l’Allemagne nazie. Au sein des services britanniques, deux Canadiennes participèrent directement à ce travail primordial : Nance Wright et Madge Trull.

La sortie de la superproduction hollywoodienne Le jeu de l’imitation, en 2014, a introduit dans la culture populaire le système de codage sophistiqué qu’utilisaient les Allemands durant la Deuxième Guerre mondiale. La machine de codage complexe qui permettait de produire ces chiffrements portait le nom d’Enigma (« l’énigme ») et plusieurs variantes ont été produites par les Alliés. Elle est depuis devenue un symbole emblématique des services du renseignement du milieu du 20e siècle.

La machine Enigma

Même si la machine à quatre rotors Enigma, ou la « Wehrmacht Enigma », était largement utilisée dans tous les domaines d’activité militaire de l’Allemagne, c’est la marine qui l’a intégrée le plus efficacement. À l’aide d’Enigma, la marine allemande coordonnait les tactiques de meute employées par ses flottes de sous-marins, en particulier durant la bataille de l’Atlantique.

Il a fallu une équipe de scientifiques polonais et britanniques d’une grande intelligence pour créer des contre-machines, auxquelles on a donné le nom de « Bombes ». Ces Bombes déchiffraient le message codé en allemand pour qu’il soit traduit par l’équipe de renseignements alliée.

Parmi les scientifiques impliqués, le plus connu était bien entendu Alan Turing, interprété par Benedict Cumberbatch dans l’adaptation cinématographique. Or, ce que la plupart des gens ignorent, c’est qu’il y avait une présence canadienne au cours de ces événements. En effet, deux femmes ayant des liens avec le Canada ont été présentes à différentes étapes du décryptage d’Enigma à Bletchley, en Angleterre, où tout s’est déroulé.

À droite : L’un des modèles de machine Enigma, aujourd’hui préservé au Musée des sciences et des techniques Léonard de Vinci, à Milan.

Source : Musée des sciences et des techniques Léonard de Vinci/Wiki Commons.
Une bombe reconstruite au musée de Bletchley Park (source : Tom Yates/Wiki Commons).

Nance Wright et Madge Trull

Nance Wright, qui a passé une partie de son enfance en Ontario, est retournée en Angleterre juste avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, en 1938. C’est à cette époque qu’elle s’est engagée activement dans le service de renseignements de l’effort de guerre.

Wright fut envoyée à Bletchley Park : une imposante maison dans la ville du même nom et à quelques heures en voiture de Londres. Bletchley Park fut acheté en 1938 par les services secrets britanniques pour devenir une base d’opération en cas d’une guerre. Comme de fait, à partir de 1939, plusieurs talents de toute les branches de l’armée britannique furent mobilisées dans le domaine pour déchiffrer les messages ennemis.

De fait, tout au long de la guerre, à Bletchley, Wright s’est efforcée de décoder les messages interceptés et les messages Enigma qui ont déjà été décodés.

Nance Wright à sa retraite (source : The Times Colonist).

Quant à sa collègue Madge Trull, l’autre influence canadienne, elle est liée à notre pays par sa vie d’après-guerre, lorsqu’elle a déménagé au Canada. C’est là qu’elle s’est mariée avec John C. Trull, capitaine d’aviation de l’Aviation royale canadienne.

En Grande-Bretagne, elle s’enrôla avec le Women’s Royal Naval Service (WREN) où elle reçut une formation de cryptologiste. Après sa formation de cryptologue, Trull a été recrutée pour travailler elle aussi à Bletchley Park, dans une travée. Là-bas, Trull travaillait avec les Bombes pour décoder les communications allemandes interceptées. Comme elle raconta en 2010 au Projet Mémoire, son travail était très secret :

« Avant de commencer cet emploi, nous avons prêté serment dans le cadre de la Loi des secrets de guerre, qui avait une échéance de quatre-vingt-dix ans. Je n’y suis pas encore arrivée, et il y a certains détails qu’il faut passer sous silence. Je ne suis jamais sûre à cent pourcent ce que je peux divulguer et ce que je ne le peux pas. À l’époque, si nous disions quoi que ce soit, nous courions le risque d’être envoyées en camp de détention ou… on nous disait… d’être fusillées ! Nous faisons donc très attention pour ne rien dire à personne. Ma mère est morte sans apprendre ce que je faisais dans la vie. » (source)

Madge, au centre, avec son mari John et sa soeur Jean, en Grande-Bretagne (source : Projet Mémoire).
Madge dans son uniforme des WRENs, en octobre 1943 (source : Projet Mémoire).

Une influence incroyable

Des historiens ont théorisé qu’en déchiffrant la machine Enigma, les Alliés ont pu abréger la Deuxième Guerre mondiale d’au moins trois ans ! Il est difficile de confirmer ces affirmations, mais il est certains que le travail effectué par les membres des services secrets – des grands penseurs aux employés de bureaux – fut indispensable dans l’effort de guerre. Sans ces gens, il est certains que la victoire aurait été plus difficile à obtenir.

Si vous souhaitez voir de vos propres yeux l’une des versions d’Enigma, ne manquez pas de visiter les Military Museums à Calgary, en Alberta. Ils présentent notamment une machine fabriquée en Suisse, de même que des informations approfondies.

Des femmes au travail dans la salle de décodage, à Bletchley Park (source : Bletchley Park).

Réimprimé ici avec l’autorisation de Valour Canada dans le cadre d’une collaboration entre JMS et Valour Canada. Pour voir d’autres articles comme celui-ci, consultez leur bibliothèque d’histoire militaire (en anglais seulement).

Pour en savoir plus :

  • CryptoMuseum offre une bonne introduction à la Bombe et à son fonctionnement (en anglais).
  • Consultez aussi cet article du National Museum of Computing sur les Bombes (en anglais).
  • Pour en savoir plus sur Madge Trull, consultez l’entrevue qu’elle donna avec le Projet Mémoire.
  • Pour lire l’article nécrologique de Nance Wright, rendez-vous sur le site de Legacy (en anglais).

Finalement, consultez l’article original sur Valour Canada.