Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur la bataille de Hong Kong : Des chances impossibles.
Consulter notre exposition pour en apprendre davantage sur le sort des soldats canadiens envoyés défendre la colonie !
Au Québec, le cursus scolaire a tendance à résumer la participation des Canadiens français durant la Deuxième Guerre mondiale à la crise de la conscription de 1944. Dans l’imaginaire collectif, les noms et les faits d’armes des soldats Léo Major et Lucien Dumais sont parfois bien connus, mais très peu en connaissent particulièrement sur la participation du Québec et des Canadiens français à la guerre. À cet effet, il est important de souligner que plus de 160 000 d’entre eux se sont enrôlés volontairement dans l’armée au courant de la guerre.
À l’époque, la province abrita quatre régiments entièrement francophones : les Fusiliers Mont-Royal (Montréal), le Régiment de Maisonneuve (Montréal), le Régiment de la Chaudière (Lévis) et le Royal 22e Régiment (Québec). Tous ces régiments furent mobilisés en Europe et combattirent durant la guerre ; le Régiment de la Chaudière participa notamment au fameux débarquement de Normandie en juin 1944. Toutefois, d’autres régiments contenaient aussi des Canadiens français dans leurs rangs. C’est notamment le cas des Royal Rifles of Canada, qui fut envoyé à Hong Kong en 1941.
Les Royal Rifles of Canada
Nous avons déjà plusieurs fois décrit le rôle des Royal Rifles of Canada au sein de la Force C et à Hong Kong au courant de nos derniers articles. Il faut cependant souligner qu’avant Hong Kong, sa réputation était déjà bien ancrée dans l’armée canadienne. En effet, étant un régiment de longue date, il compte déjà à son actif des déploiements durant la Seconde guerre des Boers (1899-1902) et la Première Guerre mondiale (1914-1918).
Contrairement aux régiments mentionnés plus haut, les Royal Rifles of Canada ne sont pas un régiment entièrement francophone. En effet, malgré qu’ils sont basés aux alentours de la région de Québec, le régiment est officiellement anglophone. Il attire cependant une large quantité de francophones qui viennent des régions avoisinantes et qui constituent presque la moitié des effectifs du régiment — tout ou plus de 40 % des hommes. Nous pouvons, par exemple, compter le jeune Jean Leblanc, de New Richmond au Québec, qui rejoint l’armée en 1940 à l’âge de 16 ans. Nous retrouvons aussi Bernard Castonguay, originaire de Montréal, qui se rendit lui aussi à Québec pour rejoindre le régiment.
À l’époque, la langue d’usage dans l’armée canadienne était l’anglais, même dans les régiments francophones ! Toutefois, les soldats n’avaient pas de grandes difficultés à comprendre les ordres et les adaptèrent souvent au français comme l’explique Lucien Dumais des Fusiliers Mont-Royal : « On remarquera sans doute qu’au cours de ma conversation avec le colonel, je dis souvent monsieur, au commencement, au milieu des phrases et même à la fin. C’est une traduction de l’anglais « sir » que les soldats canadiens de langue anglaise tiennent des Britanniques. » (Lucien Dumais, 1968, p. 94). Pour les Royal Rifles of Canada, ce n’était d’autant pas un problème non plus tandis que plusieurs des volontaires étaient déjà bilingue lors de leurs enrôlements. De fait, pour plusieurs des francophones, l’anglais était la langue d’usage à l’entraînement comme en mission.
À Hong Kong
Les Royal Rifles of Canada débarquent à Hong Kong en novembre 1941 avec le reste de la Force C. Comme n’importe quel autre soldat, les francophones ont combattu l’armée japonaise lors de l’invasion de la colonie en décembre 1941. Étant un signaleur, Bernard Castonguay est l’un des premiers à entendre l’arrivée des Japonais. Il raconte ainsi, en anglais, dans une entrevue : « […] Et c’était vraiment un choc. La première bombe qui est tombée près de moi par des avions, c’était vraiment quelque chose, mais après cela, je n’étais pas du tout nerveux. Ça pouvait arriver. » (traduction libre).
Les Royal Rifles sont parmi les derniers à avoir combattus à Hong Kong et de ce fait, un certain nombre de soldats francophones étaient parmi ces résistants. Nous l’avons déjà vu avec notre article sur l’assaut final du village de Stanley, notamment.
Les Japonais ne firent pas de différences entre les soldats francophones et anglophones. Ceux-ci furent donc mêlés dans les camps et vécurent les mêmes conditions effroyables. La particularité seulement que les soldats francophones devaient communiquer avec leurs familles seulement en anglais, les Japonais n’ayant pas les ressources suffisantes pour lire chaque lettre en français et s’assurer qu’elles ne recèlent aucune information compromettante. La famille de Bernard Castonguay n’aura ainsi pas de ses nouvelles durant presque 2 ans, mis à part quelques lettres du gouvernement ou des articles de journaux. C’est seulement le 11 septembre 1943 que la famille de Castonguay reçoit une première lettre à écrire de sa main, datée du 31 mai 1942.
Finalement, la guerre s’arrêta pour eux en août 1945 à la reddition du Japon. Les Canadiens français purent ainsi retourner chez eux. Qu’en est-il toutefois de leur héritage ? Tous les régiments francophones susmentionnés existent toujours et célèbrent encore aujourd’hui leurs faits d’armes. Toutefois, les Royal Rifles of Canada furent dissouts en 1966. Si le Sherbrooke Hussards porte aujourd’hui le badge des Royal Rifles avec l’année 1941 sur leurs uniformes en leur honneur, la grande participation de soldats francophones du Québec est encore très peu remémorée.
Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens.
Sources :
- « Individual Report: E30659 Bernard CASTONGUAY », Hong Kong Veterans Commemorative Association (en anglais).
- « La force francophone – Les militaires », Gouvernement du Canada/Government of Canada.
- « Le Canada et la guerre – Les unités francophones », Musée canadien de la guerre/Canadian War Museum.