Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur le raid de Dieppe : Courage dans le chaos.
Consulter notre exposition pour en apprendre davantage sur le sacrifice des soldats canadiens envoyés attaqué les plages de Dieppe !
Au lendemain du raid de Dieppe, plus d’un millier de soldats alliés furent capturés par les troupes allemandes. Le transfert dans les camps s’est fait dans des conditions absolument terribles : entassés dans des wagons à bestiaux, les hommes devaient parcourir de très longues distances sans arrêt, sans nourriture et sans eau. Plusieurs d’entre eux, déjà exténués par le raid, ne survécurent pas à ces voyages. Les conditions dans les camps n’étaient pas particulièrement mieux, non plus. En effet, les Allemands fournissaient très peu de nourritures aux prisonniers qui étaient souvent entassés à plusieurs dans une petite chambre durant de longues années. Et c’est sans mentionner les longs mois où les prisonniers canadiens avaient les mains enchaînées par les autorités allemandes, ce qui les entravait dans leurs mouvements.
De sorte à compenser un tant soit peu leurs conditions, les prisonniers des camps allemands durent se tourner à différentes formes de divertissements. Les prisonniers avaient peu de moyens pour s’amuser, mais avec de l’imagination et de la débrouillardise, plusieurs façons furent concoctées pour rendre les jours un peu moins longs.
Les arts
Pratiquer les arts était l’une des façons les plus courantes de se divertir au sein des camps. Autant en Asie qu’en Europe, il arrivait très souvent que des groupes de prisonniers s’organisaient pour former des troupes musicales ou des pièces de théâtre. Dans le cas des orchestres, les instruments étaient souvent dénichés en commerçant des rations avec des contacts à l’extérieur des camps (des gardes ou des civils vivant proches). Cependant, il arrivait souvent que les soldats emprisonnés dussent construire leurs propres instruments à partir de ce qu’ils pouvaient trouver dans les camps. C’était aussi la même chose avec les costumes. En mélangeant ce qui pouvait être trouvé au camp ou échanger à l’extérieur, tout un éventail de costumes put être conçu par des prisonniers avec beaucoup de temps à disposition.
Les autorités allemandes d’un camp à un autre étaient généralement tolérantes des représentations artistiques. Après tout, pourvu que ces représentations ne dérangeaient pas directement les affaires du camp, il n’y avait pas de raisons particulières pour les interdire. En revanche, il était très courant que le spectre de l’annulation fût brandi par les autorités en guise de conséquence pour une raison ou une autre. En effet, les spectacles étaient des évènements importants pour le moral des troupes et leurs annulations étaient une punition terrible.
Le sport
Les camps étant habituellement très vastes, il était courant pour les hommes de passer le temps en pratiquant du sport. Le soccer (ou le foot), par exemple, était l’un des sports les plus courants pour les prisonniers. Après tout, avec seulement un ballon comme équipement, le soccer est probablement l’un des sports les plus faciles à pratiquer. Ce sport avait aussi l’avantage de pouvoir mobiliser autant de personnes que possibles, faisant en sorte que plusieurs pouvaient jouer en même temps. Comme le nota l’historien S. P. Mackenzie, le soccer était tellement populaire chez les prisonniers du Stalag IV-B à Mühlberg que ce camp comptait à lui seul plus de 22 équipes. Chez les prisonniers britanniques, le soccer tenait une place extrêmement importante. Un prisonnier danois témoigna ainsi qu’une conversation entre lui et un médecin britannique interrompue lorsque ce dernier déclara qu’il avait une partie de soccer dans 10 minutes… en pleine tempête de neige !
Mis à part, le soccer, d’autres sports étaient aussi pratiqués dans les camps : le volleyball et le criquet, notamment. Tout comme le soccer, ces sports avaient l’avantage de la simplicité et ne nécessitaient qu’un ballon et un large espace pour pouvoir y jouer. Des sports moins connus étaient aussi pratiqués. À l’Oflag IVC, au château de Colditz, le « stoolball » était une forme de cricket où un joueur d’une équipe devait prendre ou dribbler le ballon jusqu’à ce qu’il touche le poteau de l’équipe adverse qui est défendu par un autre joueur.
Dans tous les cas, ces sports étaient souvent éprouvants pour la santé fragile des prisonniers. Le tout était aussi accentué par l’intensité des jeux menés par des militaires entraînés qui auraient probablement préféré utiliser leurs énergies autrement ! Les médecins des camps devaient ainsi instaurer diverses règles de sorte à limiter les cas de fatigues ou les risques de blessures dus aux jeux. Dans certains camps, les parties de rugby étaient ainsi limitées à 12 minutes et les jeux de soccers à 30 minutes seulement.
Les jeux
Pour plusieurs autres prisonniers, les jeux étaient une autre façon de passer le temps. Lors de leurs captures, plusieurs prisonniers transportaient avec eux des jeux de cartes, des billes ou d’autres petits jeux. Naturellement, jouer aidait grandement à ce que les jours s’écoulaient, mais c’était souvent à un prix. Les jeux tournaient très souvent en gage entre les prisonniers qui tentaient de pimenter un peu leurs journées. À cet effet, les prix des gages pouvaient varier : de l’argent, des cigarettes, de la nourriture ou des denrées divers provenant de la Croix-Rouge. Les gages ne nécessitaient pas toujours des jeux, en revanche. Pour pallier l’ennui, n’importe quoi pouvait être un gage en autant que les participants étaient consentants : courir autour du camp en dedans d’une certaine durée, le nombre de gardes faisant une patrouille et, naturellement, quelle équipe de soccer allait gagner !
L’historien S. P. Mackenzie relata une autre forme de jeux au sein des camps : les blagues. Bien souvent, les blagues étaient faites aux dépens des gardes. Une certaine forme d’opposition, c’était aussi une façon efficace pour les soldats emprisonnés de se divertir un peu. Les blagues contre les gardes pouvaient être autant élaborées qu’elles pouvaient briller par leurs simplicités. Un soldat pouvait, par exemple, creuser un trou et prétendre y avoir caché quelque chose d’important pour ensuite s’amuser à observer les gardes allemands passer toute l’après-midi à retrouver l’objet qui n’avait, en réalité, aucune valeur. N’importe quoi était fait pour soutirer une réaction d’un garde : faire en semblant d’être bête et de ne pas comprendre les ordres très simples qui sont demandés, jouer à des jeux imaginaires en groupe pour rendre les gardes incrédules et changer de place durant les comptes de prisonniers de sorte à brouiller le vrai nombre total.
Se divertir pour survivre
C’est peu dire que les Canadiens emprisonnés avaient beaucoup de temps libres dans les camps allemands. Si le divertissement par le sport, les arts et le jeu permit de faire écouler les longues journées, il permit aussi de rendre l’insupportable un peu plus supportable. Pour pallier l’anxiété de ne plus avoir de contact avec ses proches, aux conditions pitoyables des camps et à la frustration générale d’être fait prisonnier, le divertissement était une bonne façon de faire passer autrement ses émotions.
Photo de couverture : Un décompte de prisonniers au camp d’Oflag IV-C (source : Wiki Commons).
Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens.
Sources :
- « Les Forces armées canadiennes : Les prisonniers canadiens des forces de l’Axe », Musée canadien de la guerre/Canadian War Museum.
- « Prisonniers de guerre canadiens », L’encyclopédie canadienne/The Canadian Encyclopedia.
- « Prisonniers de guerre de la Seconde Guerre mondiale », Gouvernement du Canada/Government of Canada.
La rédaction de cet article fut grandement inspirée par les travaux de l’historien S. P. Mackenzie et son livre The Colditz Myth: British and Commonwealth Prisoners of War in Germany (2004). Nous vous en recommandons la lecture !
Plusieurs personnes ont écrit sur leurs expériences dans les camps allemands de prisonniers de guerre. Que ce soit du point de vue des prisonniers ou des gardes, ces témoignages sont des sources importantes pour reconstituer le quotidien des camps. Nous vous proposons quelques-uns de ces témoignages, centrés autour du château de Colditz, qui sont disponibles en ligne :
- Jerry E. R. Wood, Detour, the story of Oflag IVC (1946) (en anglais).
- Reinhold Eggers, Colditz: the German side of the story (1961) (en anglais).
- E. H. Larive, The man who came in from Colditz (1975) (en anglais).
Pour consulter en ligne une source originale, nous recommandons de consulter le journal intime du soldat Norman Routledge disponible en ligne, en anglais seulement.