PENDANT CE TEMPS, AU CANADA
LES CRITIQUES CONTRE LE GOUVERNEMENT KING
Au Canada, les nouvelles de la défaite font des vagues. Les critiques fusent : plusieurs condamnent le coût important en hommes et leur manque d’expérience au combat. Le parti conservateur accuse notamment le gouvernement de Mackenzie King d’avoir négligé l’entraînement des soldats et se mobilise contre une plus grande participation militaire canadienne dans la guerre en annonçant que « peut-être y aura-t-il plus de Hong Kong ». Dans les journaux, on qualifie la Force C d’« escouade suicide » et on demande au gouvernement d’arrêter d’envoyer des hommes au sacrifice.
LA COMMISSION DUFF
Pour faire taire les critiques, le gouvernement canadien ouvre une commission d’enquête qui étudie l’envoi des deux régiments à Hong Kong. Déposé en 1942, le rapport conclut que le Canada a choisi judicieusement les deux régiments et qu’aucune négligence ne fut commise concernant l’entraînement ou l’équipement. Toutefois, en 1948, de nouvelles évaluations réfutent cet énoncé, mais concluent qu’un entraînement plus soutenu et un accès à davantage d’équipement n’auraient pas changé l’issue de la bataille : la Force C n’aurait jamais pu résister aux assauts des Japonais.
Photo de la Chambre des communes du Canada prise le 7 septembre 1939, lors des délibérations concernant la déclaration de guerre contre l’Allemagne. À ce moment-ci de la guerre, le gouvernement canadien n’avait pas encore déclaré la guerre contre le Japon. C’est dès l’invasion de Hong Kong que le premier ministre Mackenzie King déclara, en passant par-dessus le parlement, que le Canada est maintenant dans un état de guerre contre l’empire japonais. Le statut fut seulement mis sur papier au retour du parlement le 21 janvier 1942 (source : Musée Canadien de la guerre).
Communiquer avec sa famille
Il est difficile pour les prisonniers de donner des nouvelles à leur famille. Les Canadiens peuvent envoyer une lettre par mois, mais en suivant plusieurs restrictions imposées par les gardes. Éventuellement, des cartes pré-imprimées sont utilisées pour éviter que les prisonniers n’écrivent directement leurs lettres ; ceux-ci n’ont qu’à rayer les réponses incorrectes. Par exemple, une carte peut indiquer : « Je vais bien… je travaille dur… à l’hôpital ». Envoyer et recevoir des lettres est une autre paire de manches. Celles provenant du Canada prennent environ 14 mois pour se rendre dans les camps, si elles ne sont pas perdues en route.
Les Japonais censurent chaque lettre pour s’assurer que les prisonniers ne parlent pas de la guerre ou de leurs conditions de vie dans les camps. De fait, les lettres envoyées par les prisonniers ne contiennent que peu de détails. À partir de 1942, le gouvernement canadien indique aux familles comment communiquer avec leurs proches emprisonnés. Les messages envoyés dans les camps donnent ainsi des nouvelles de la famille, des amis et des sports. Toute discussion sur la politique ou la guerre était, bien sûr, interdite.
À droite : Des lettres envoyées par des prisonniers de guerre canadiens à partir des camps à destination de leurs familles. Selon les instructions des gardes, les lettres devaient être très brèves et ne pas divulguer trop de détails du quotidien dans les camps (source : Hong Kong Veterans Commemorative Association).
« Cher Monsieur Gonthier,
Sœur St Stanislas K. [Germaine Gonthier] m'a demandé de vous écrire pour vous dire qu'elle est saine et sauve. Pendant les combats, elle était au collège La Salle pour soigner les blessés et le 20 janvier, nous avons tous été internés.
J'ai été avec les sœurs du 8 décembre au 29 juin. Elles passent la plupart de leur temps à enseigner car il y a beaucoup d'enfants dans le camp.
[...]
Sincèrement vôtre,
Frère Anthony [...] », lettre destinée au père de Germaine Gonthier, alors internée au camp de Stanley, 20 août 1942.
L’INTERNEMENT DES CANADIENS D'ORIGINE JAPONAISE
LA MISE EN DÉTENTION
Les Canadiens d’origine japonaise habitent au Canada depuis la fin du 19e siècle. Principalement établis en Colombie-Britannique, les issei (Japonais de première génération) et les nisei (de deuxième génération) sont souvent victimes de racisme, et durant la guerre, les tensions s’enveniment.
Après la bataille de Hong Kong, un raz-de-marée de rumeurs xénophobes et sans fondement déferle contre les Canadiens japonais qui sont présentés comme des espions et des saboteurs. Le gouvernement canadien décide alors de les incarcérer sous l’autorité de la loi sur les mesures de guerre, bien que l’armée avertisse qu’une telle détention est inutile.
En février 1942, le gouvernement décrète l’évacuation forcée de tous les Canadiens japonais de la côte ouest. En parallèle, le gouvernement met en place différents camps de travail aux abords des autoroutes pour y faire travailler les hommes. Ceux-ci sont séparés de leur famille qui se retrouve dans différents camps aménagés dans d’anciennes fermes et étables.
LES CONDITIONS DANS LES CAMPS
Après les déportations, le gouvernement saisit les propriétés des Canadiens japonais et les revend à très bas prix. Les détenus ne profitent pas des ventes : placés dans des comptes contrôlés par le gouvernement, les fonds sont utilisés pour payer leur internement. En effet, les détenus doivent acheter leurs vêtements, leur nourriture et tous les autres produits dont ils ont besoin pour vivre dans les camps.
Dans les camps de travail, les détenus doivent passer leur premier hiver dans des tentes. Par la suite, des cabanes sont construites, mais elles n’ont aucun isolement pour les protéger du climat. Dans d’autres camps, les conditions de vie sont rudes et humiliantes : les hommes et les femmes sont séparés et entassés dans des écuries qui sentent encore les chevaux. Il y a très peu d’espace entre les lits superposés et rien ne permet un peu d’intimité. Durant les premières semaines, de vieilles mangeoires pour animaux servent de toilette et il n’y a pas d’eau courante.
Cela prendra beaucoup de temps avant que des réparations ne soient faites aux Canadiens japonais après la guerre. C’est seulement en 1988 que le gouvernement offre des excuses officielles et une compensation financière de 21 000 $ par victime des détentions.