Les régiments de Jubilee en Grande-Bretagne (partie #1) : la vie d’entraînement

En vue de la guerre en Europe, le Canada envoya plusieurs régiments en garnison en Grande-Bretagne. Là-bas, les hommes furent soumis à un entraînement intensif. Cet article est la première partie d’une série de deux textes.

Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur le raid de Dieppe : Courage dans le chaos.
Consulter notre exposition pour en apprendre davantage sur le sacrifice des soldats canadiens envoyés attaqué les plages de Dieppe !

À la suite de la déclaration de guerre du Canada contre l’Allemagne, le 9 septembre 1939, beaucoup de troupes canadiennes sont envoyées en Grande-Bretagne. Depuis la Première Guerre mondiale (1914-1918), l’armée canadienne était rouillée et avait désespérément besoin de redevenir prête au combat. Les transferts de régiments en Grande-Bretagne servaient ainsi deux objectifs : à l’entraînement des soldats et à la défense de l’île.

Les premiers navires de transport se rendent sur les îles britanniques à partir du 10 décembre 1939, mais s’intensifient très rapidement dans les mois subséquents. En 1940, on compte ainsi près de 43 000 soldats canadiens en garnison en Grande-Bretagne. La vie de garnison n’est pas de tout repos, cependant. La majorité des troupes amenées sur les îles britanniques n’étaient de nouvelles recrues avec aucun entraînement militaire. De même, plusieurs officiers se sont aussi enrôlés après la Première Guerre mondiale et n’avaient aucune expérience de combats. De fait, avant une première opération d’envergure, il était important d’entraîner adéquatement toutes ces troupes : soldats comme officiers.

Un groupe de soldats fraichement enrôlé chez les Royal Montreal Regiment en entraînement au parc avoisinant le manège militaire. Photo prise au quartier de Westmount, à Montréal, en septembre 1939 (source : collection du musée du Royal Montreal Regiment).

L’entraînement

Durant l’entre-deux-guerres, le programme du Canadian Officers’ Training Corps (COTC) dans les universités du pays permit à entraîner plusieurs officiers. Ainsi, de nombreux officiers formés étaient disponibles lors du début du conflit. Cependant, comme le nota le commandant des Fusiliers Mont-Royal Dollard Ménard, plusieurs des hommes des régiments utilisaient l’armée comme un club social et n’avaient aucune expérience véritable de la guerre. De fait, à partir de 1940, l’entraînement des officiers au fait militaire devient une priorité avec des formations spécialisées.

On note alors une production accrue des manuels militaires à destination des officiers et des soldats. Ces petits livres, de moins d’une centaine de pages en moyenne, enseignaient ainsi ses lecteurs sur divers aspects de la guerre : rudiment des combats au corps-à-corps, instruction basique sur les premiers soins, l’évaluation rapide de situation d’urgences, les lois militaires, etc.

Ces hommes en tenues de combat complet posent derrière un mur de sacs de sable. Photo prise en Grande-Bretagne (source : collection du musée du Royal Montreal Regiment).

En supplément de leurs entraînements de base, les soldats stationnés en Grande-Bretagne furent soumis à plusieurs exercices : les marches longues sur de nombreux kilomètres, les exercices de tir, les courses à obstacles et ainsi de suite. À partir de l’été 1941, les troupes canadiennes sont initiées aux battle drill. Ces exercices visaient à reproduire une situation de combats, avec de vraies munitions, de sorte à préparer les soldats à la vraie chose. Cet exercice est très difficile pour les hommes qui doivent manœuvrer dans une course à obstacles avec tous leurs équipements et sous de vrais tirs. Pour les officiers, cependant, les résultats étaient là tandis que les soldats apprenaient à mieux travailler ensemble et à travailler plus rapidement.

Les opérations Yukon

À partir de mai 1942, après de longs mois d’entraînement, plusieurs régiments sont transférés sur l’île de Wight pour commencer un entraînement spécial de commando : exercice de débarquement de bateau, maniement d’explosifs et combats urbains en préparation au raid de Dieppe. La culmination se trouve toutefois dans les exercices Yukon qui devaient être des répliques exactes de l’opération. Malheureusement, les exercices ne furent pas entièrement fructueux.

Dans la nuit du 11-12 juin 1942, les hommes sont soumis à l’exercice Yukon I. L’exercice se donnant très tôt le matin, plusieurs navires se perdent durant la navigation. De fait, d’une plage à l’autre, les erreurs de débarquement furent nombreuses : le Royal Regiment of Canada débarqua à 3,2 kilomètres de son objectif et le South Saskatchewan Regiment arriva à 1,2 du sien. « Ce fut un véritable fiasco », comme le décrit Jacques Nadeau des Fusiliers Mont-Royal. À l’occurrence son navire transportant des troupes et des chars échoua sur la rive. Cependant, si les débarquements furent infructueux, les troupes sur le terrain se débrouillèrent de façon suffisamment satisfaisante selon l’État-Major.

Yukon II, le 29 juin, se déroula un peu mieux que le premier. En revanche, l’exercice fut très rigide et ne permit pas à tous les régiments impliqués de s’entraîner sur différents aspects ou de faire face à différentes situations. Les exercices Yukon étaient organisés selon des informations très précises sur les défenses allemandes. Toutefois, comme le raid de Dieppe le prouvera, ces informations étaient très lacunaires.

Personnel du Corps de santé royal canadien se pratiquant à traiter des blessés lors d'une répétition (source : Bibliothèque Archive Canada).
Des soldats dans un exercice d’embarquement en Grande-Bretagne, en 1942 (source : Bibliothèque Archive Canada).

Conclusion

Les entraînements en Grande-Bretagne étaient très rigoureux et produisent des soldats très compétents. Recrutés pour la majorité en 1940, ces hommes devinrent des militaires aguerris en peu de temps. Malgré les déboires des exercices Yukon, tous les soldats étaient anxieux de pouvoir faire leurs preuves en Europe. Cependant, outre les exercices militaires, le temps pouvait être long pour ces soldats en manque d’action. De fait, il était important de se divertir.

Dans la deuxième partie de cet article, nous vous invitons à explorer la vie de garnison des soldats stationnés en Grande-Bretagne : entre le divertissement et l’ennui.

Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens. Cet article est la première partie d’une série de deux articles sur la vie de garnison des troupes canadiennes en Grande-Bretagne. Pour lire la deuxième partie sur le quotidien des troupes en stationnement, vous pouvez cliquer sur le lien ici.

Sources :

Pour une approche plus académique :

Le musée du Royal Montreal Regiment a aussi plusieurs photos en ligne montrant le quotidien des soldats là-bas et provenant de sa collection qui peuvent être consultées sur ce lien.