Les forces étrangères en Italie (partie #1) : l’Armée indienne britannique & la Force expéditionnaire brésilienne

Les armées alliées mobilisées durant la campagne d’Italie (1943-45) étaient aussi diverses qu'elles étaient nombreuses. Combattant aux côtés des armées américaines, britanniques et canadiennes, se trouvaient, en effet, plusieurs unités issues de quatre continents différents. Cet article, la première partie d’une série de deux textes, présente ainsi une partie des forces étrangères en Italie.

Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur la campagne d’Italie : À travers les lignes et les vignes.
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Après une opération réussie en Sicile de juin à août 1943, la campagne d’Italie s’enclenche en septembre 1943, lorsque les armées alliées débarquent sur les côtes du sud de la péninsule et se mettent nez à nez aux forces allemandes. La campagne est très longue et mobilise une quantité incroyable de soldats pour y déloger les défenseurs ennemis. De fait, durant de longs mois, et jusqu’à la fin de la guerre en août 1945, plusieurs éléments des armées brésiliennes, françaises, indiennes et polonaises participent aux côtés des Américains, des Britanniques et des Canadiens.

Les Alliés sont divisés en deux armées particulières durant les opérations : une force américaine et une force britannique. Attachée à celles-ci, les Corps étrangers se joignent aux opérations et reçoivent leurs ordres des commandants américains et britanniques. C’est le cas notamment de la Force expéditionnaire brésilienne, qui rejoint l’armée américaine, et de l’Armée polonaise de l’Ouest, qui accompagne les Britanniques. Ces derniers mobilisent aussi plusieurs troupes coloniales provenant du Moyen-Orient et de l’Inde britanniques qui les accompagnent depuis la campagne d’Afrique du Nord (de juin 1940 à mai 1943). Finalement, il est aussi important d’inclure la participation du Corps expéditionnaire français d’Italie au courant de la campagne, où plusieurs soldats provenant des colonies nord-africaines en font partie.

Dans cette première partie d’une série de deux articles sur la participation des forces étrangères durant les opérations en Italie (1943-1945), nous mettons ainsi à l’honneur deux nations non européennes : l’Armée indienne britannique et la Force expéditionnaire brésilienne. Issus de deux continents différents, travaillant au sein de deux armées distinctes et avec des motivations tout aussi contraires, les deux forces ont du moins le point commun d’avoir combattu avec acharnement les forces nazies et fascistes en Italie. Du début de l’invasion jusqu’à la fin du conflit, les Indiens et les Brésiliens furent, de ce fait, des piliers importants dans l’effort de guerre alliée pour libérer la péninsule italienne.

Le drapeau de l'Armée indienne actif de 1942 à 1947 (source : Wiki Commons).
L'écusson de la Force Expéditionnaire brésilienne (source : Wiki Commons).

L’Armée indienne britannique

Il est certain que l’Armée indienne fut une force majeure durant toute la Deuxième Guerre mondiale. Agissant au sein de l’Armée britannique, plusieurs divisions furent d’abord déployées en Afrique et au Moyen-Orient avant d’être transférées en Italie. Contrairement à la majorité des troupes américaines et canadiennes déployées sur la péninsule, les troupes indiennes étaient donc bien souvent des combattants expérimentés et déjà des vétérans de plusieurs campagnes. La 4e division d’infanterie indienne, surnommée la division « Red Eagle », était notamment active au front dès 1940 avec des opérations menées en Libye, en Égypte, au Soudan et en Érythrée, avant d’être envoyées en Syrie et au Liban.

Les premiers soldats indiens débarquent en Italie le 24 septembre 1943. Les soldats de la 8e division d’infanterie participent alors à la percée de l’est de la péninsule. Durant presque deux ans, les soldats de l’armée indienne avancèrent ainsi continuellement en plein territoire ennemi, traversant rivière et montagne pour libérer la région. Dans plusieurs de ces opérations, les troupes indiennes travaillaient conjointement avec les soldats canadiens. Lors de ses avancées vers la ligne gothique, la 8e division était fréquemment couverte par le tir des chars de la 1re Brigade blindée canadienne, par exemple. Arrivée en Italie le 9 mars 1944, la 10e division d’infanterie indienne fut quant à elle chargée de prendre la relève des troupes canadiennes dans la région de Ortona.

Plusieurs éléments de l’armée indienne participèrent aussi à la fameuse bataille de Monte Cassino – qui vit la libération de Rome par les Alliés. Commencée en janvier 1944, cette bataille fut particulièrement longue. La 4th Indian Infantry Division fut ainsi mobilisée en février 1944 pour soulager la première vague d’assaut – infructueuse devant les défenses allemandes. Durant plusieurs mois, les unités indiennes lancèrent ainsi l’assaut sur les positions allemandes et subissent de lourdes pertes. Ultimement, les forces indiennes combattirent à Monte Cassino jusqu’à sa conclusion en mai 1944.

Le 6th Gurkha Rifles fut grandement mobilisé durant la Deuxième Guerre mondiale et participa aussi, entre autres, à l’offensive contre la ligne Gothique. Le 8 septembre 1944, l’unité était proche de San Clemente. Cette photo y montre des soldats en train d’inspecter un fusil anti-char allemand (source : Wiki Commons).

La bataille de Monte Cassino, et la libération subséquente de Rome par après, ne fut pas le dénouement final de la campagne et les troupes indiennes restèrent encore longtemps en Italie. En effet, alors que la guerre se déplaça vers d’autres fronts, notamment avec le débarquement de Normandie quelques mois après, plusieurs troupes furent mobilisées ailleurs. En conséquence, plusieurs unités de l’Armée indienne participèrent aux derniers combats et restèrent jusqu’à la fin.

Posté à Monte Castiglione, des Gurkhas du 4th Indian Division observent des positions allemandes le 29 juillet 1944 (source : Wiki Commons).
Une équipe de mortier et un char de transport du 13th Frontier Force Rifles s’arrêtent momentanément entre Lanciano et Osogna le 13 décembre 1943 (source : Wiki Commons).

La Force expéditionnaire brésilienne

Il est malheureux que malgré sa contribution importante en Italie, la participation du Brésil comme nation alliée soit fréquemment oubliée. Ce n’est qu’en août 1942 que le gouvernement brésilien déclare la guerre à l’Axe. À ce moment, les États-Unis tentèrent de rallier les nations d’Amérique latine sous son giron de sorte à limiter l’influence de l’Allemagne et de ses alliés sur le continent – notamment au niveau du transport et du commerce. En réponse, la marine allemande et italienne s’en prirent aux navires brésiliens et en coulèrent 36, causant près de 2 000 victimes ! De fait, durant les premières années, la participation du Brésil se fit surtout au niveau marin en escortant des navires commerciaux des pays alliés et en attaquant des sous-marins ennemis proche de leurs eaux.

En-dehors de la marine, la campagne d’Italie est l’opération la plus importante pour le Brésil. La Force expéditionnaire brésilienne arriva dans la péninsule le 16 juillet 1944. En total, les troupes brésiliennes comptaient alors pour près de 26 000 soldats additionnels sur le front. C’est un ajout substantiel pour une campagne qui perdurait et qui vit plusieurs de ses effectifs être déplacés ailleurs. Effectivement, leur arrivée permit à ce que plusieurs éléments de l’armée américaine (dont le 1er détachement du service spécial) puissent être transférés ailleurs en Europe.

Sous les ordres de l’Armée américaine, la Force expéditionnaire mena plusieurs batailles réussies le long de la côte ouest et de la région du nord de la péninsule. Après plus de 10 mois consécutifs de combats, le dernier engagement de taille pour les Brésiliens fut la bataille de Collecchio, menée du 26 au 29 avril 1945. À ce moment de la guerre, l’armée allemande était presque en déroute et la ville de Collecchio était, pour eux, l’occasion de se regrouper et de mener une contre-offensive sur les Alliés. Ceux-ci entouraient alors la ville, mais les soldats brésiliens réussirent rapidement à capturer l’église et à en faire un poste d’observation. Les jours suivants, les soldats allemands tentèrent péniblement de déloger les Brésiliens, mais chaque attaque fut contrée. Finalement, devant l’impossibilité de riposter convenablement et devant la chute imminente du régime nazi, les généraux allemands ordonnèrent la reddition complète et se livrèrent aux Brésiliens, précipitant du même coup la fin de la campagne italienne.

Des soldats brésiliens en position dans une tranchée durant la bataille de Montese, en avril 1945. Survenu dans la bataille plus large de Collecchio, qui marqua la reddition de l'armée allemande en Italie, les combats de Montese durèrent quatre jours et visèrent à recapturer la ville du même nom (source : Wiki Commons).
Des civils italiens accueillent des soldats brésiliens dans la ville de Massarosa, en septembre 1944 (source : Wiki Commons).
Des membres de la Force expéditionnaire brésilienne (source : Wiki Commons).

Conclusion

Il est certain que leurs participations et leurs sacrifices durant la campagne furent majeurs. Durant de longs mois, les soldats indiens et brésiliens combattirent chacun de leur côté de la péninsule contre un ennemi tenace. Du Moyen-Orient jusqu’au nord de l’Italie, les Italiens et les Brésiliens furent des participants intégraux durant la guerre et si leurs contributions militaires sont largement ignorées par le public général, leurs présences restent, cependant, majeures.

Si ce court texte vous a intéressé, nous vous invitons à consulter la seconde partie de cet article qui traite de deux autres corps étrangers dont la contribution en Italie est tout aussi indéniable : l’Armée polonaise de l’Ouest et le Corps expéditionnaire français d’Italie.

Photo de couverture : Une patrouille du 3rd Gurkha Rifles avance sur un terrain enneigé proche de Castel Bolognese, le 23 ou le 24 janvier 1945 (source : Wiki Commons).

Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens. Cet article est la première partie d’une série de deux articles sur la participation militaire des forces étrangères en Italie durant la guerre. Pour lire la deuxième partie, vous pouvez cliquer sur le lien ici.

Sources :