1er septembre 1944 : Le sergent Tommy Prince, de la nation des Ojibway Brokenhead, mène l’une de ses actions les plus audacieuses jusqu’à maintenant. Un an après le débarquement sur Kiska, Prince et la Première Force de Service spécial (PFSS, aussi connue sous le nom de la Brigade des diables), l’effort conjoint entre les États-Unis et le Canada, sont désormais de l’autre côté du globe après avoir atterri dans le sud de la France dans le cadre de l’opération Dragoon.
Ce jour-là, Prince et son partenaire de reconnaissance marchent 24 kilomètres derrière les lignes ennemies dans le but d’établir l’emplacement des avant-postes, des installations d’artillerie et des camps allemands. En revenant par le terrain montagneux, ils tombent sur un groupe de partisans de la France libre encerclé par un peloton allemand.
Les chances ne sont visiblement pas du côté des partisans, qui sont probablement trois ou quatre fois moins nombreux. On peut difficilement voir comment seulement deux hommes pourraient faire pencher la balance.
Et pourtant, cela n’arrête pas Prince et son compatriote. Se plaçant en position de tir, les deux hommes commencent à s’en prendre aux Allemands. Prince en tue six et en blesse encore davantage. Choqué de constater le nombre soudain et élevé de victimes autour de lui, le commandant allemand appelle ses troupes à battre en retraite, laissant derrière les partisans de la France libre.
Prince salue le chef des partisans, puis celui-ci lui demande où se trouve le reste de ses troupes. « Ici », répond Prince, pointant en direction de son partenaire. L’officier français est sous le choc : « Mon Dieu! Je pensais que vous étiez au moins cinquante! »
Deux jours plus tard, Prince et le groupe retournent aux lignes américano-canadiennes et parviennent à fournir les renseignements recueillis à leur commandement. Pour avoir marché quelque 80 kilomètres au cours des cinq jours précédents, on lui attribue le mérite de la progression réussie de la Brigade des diables du 5 septembre. Pour cet acte, Prince reçoit la médaille américaine Silver Star. Avec la réception de la Médaille militaire, cette distinction le place au premier rang, occupé par seulement deux autres Canadiens.
Les prestations d’ancien combattant de Prince après la guerre sont loin d’être au même niveau que celles des non-Autochtones, mettant en évidence la disparité entre les peuples autochtones et les populations non autochtones au Canada. Tout comme le caporal Pegahmagabow dans la génération précédente, il rencontre d’importantes difficultés en essayant de définir son rôle dans la vie civile. Même s’il dirige une entreprise de nettoyage prospère pendant une brève période, il réalise qu’il n’est pas bien placé pour militer en faveur d’un plus grand respect des Autochtones du Canada dans le pays.

Cependant, avant qu’il puisse faire grand-chose à cet égard, la guerre de Corée éclate et Prince répond de nouveau à l’appel aux armes en se joignant sur-le-champ au 2e bataillon du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI) nouvellement formé. Même s’il se montre performant et qu’il dirige avec brio, y compris lors la bataille de Kap’yong, une arthrite sévère du genou l’oblige à être rapatrié pour effectuer des tâches d’instruction. Très mécontent de son rôle, il se plaint souvent et avec force qu’il veut retourner au front au plus vite. Son souhait est exaucé et il rejoint le 3e bataillon du PPCLI en octobre 1952. Or, l’épuisement accumulé depuis la Deuxième Guerre mondiale le met à nouveau hors d’état de combattre, et on le renvoie au Canada.
Même s’il ne recevra jamais de diagnostic officiel, Prince manifeste clairement des signes de trouble de stress post-traumatique. Or, dans les années 1950, rien n’est fait pour s’attaquer au problème. En dépit son service pour le Canada, il subit une discrimination constante de la part des non-Autochtones sur son lieu de travail. Il décède en 1977 à l’hôpital pour vétérans Deer Lodge.
Que son service et ses sacrifices ne soient jamais oubliés.
Photo de couverture : Le sergent Tommy Prince et sa compagnie recevant des directives de leur commandant, le 21 mars 1951 (photo : OttawaCitizen.com).
Réimprimé ici avec l’autorisation de Valour Canada dans le cadre d’une collaboration entre JMS et Valour Canada. Pour voir d’autres articles comme celui-ci, consultez leur bibliothèque d’histoire militaire (en anglais seulement).
Pour en savoir plus :
- Pour en apprendre plus sur la vie de Tommy et sur son service durant la Deuxième Guerre mondiale, visitez le site Canadiana (en anglais) et le site d’Anciens combattants Canada.
- Vous pourriez vouloir lire « Tommy Prince, the decorated and forgotten war hero », Ottawa Citizen, édition du 30 septembre 2017 (en anglais).
- Pour une approche universitaire, consultez le PDF « Tommy Prince: Warrior » (en anglais) (Canadian Military History, V16:2).