Les forces étrangères en Italie (partie #2) : l’Armée polonaise de l’Ouest et le Corps expéditionnaire français d’Italie

En dehors des armées américaine, britannique et canadienne, de nombreuses autres armées étrangères ont contribué à la campagne d’Italie. Dans la seconde partie de notre série sur les forces étrangères en Italie, nous nous pencherons cette fois sur la participation de l’Armée polonaise de l’Ouest et du Corps expéditionnaire français en Italie.

Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur la campagne d’Italie : À travers les lignes et les vignes.
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Lorsque la campagne d’Italie a débuté en septembre 1943, la majorité des troupes impliquées étaient américaines, britanniques, canadiennes, indiennes et sikhs. La défense allemande et italienne était féroce, cependant, et à mesure que la campagne se prolongeait, de nombreuses autres forces étrangères étaient mobilisées pour épauler les armées alliées. C’est ainsi qu’en 1944, alors que la campagne battait son plein, des troupes polonaises et françaises furent envoyées dans la mêlée.

Comme mentionné dans notre article précédent, l’Armée polonaise de l’Ouest était placée sous le commandement de l’Armée britannique et agissait comme l’une de ses branches, de la même manière que l’Armée canadienne déployée en Italie. Quant au Corps expéditionnaire français d’Italie, il agissait plutôt de manière autonome, mais en collaboration avec l’Armée américaine. Bien que ces deux armées aient agi chacune de leur côté de la péninsule, c’est durant la bataille de Monte Cassino qu’elles ont combattu côte à côte.

Dans la deuxième partie de notre série en deux articles sur la participation des forces étrangères durant la Campagne d’Italie, nous vous invitons à découvrir le parcours de l’Armée polonaise de l’Ouest et du Corps expéditionnaire français d’Italie.

Le drapeau de la république polonaise avec son armoirie (source : Wiki Commons).
L'insigne du Corps Expéditionnaire Français (source : Wiki Commons).

L’Armée polonaise de l'Ouest

L’histoire a souvent tendance à éclipser la participation militaire de la Pologne durant la guerre. Si son invasion par l’Allemagne nazie est largement reconnue comme étant l’événement déclencheur du conflit, très peu de personnes savent que l’Armée polonaise a continué à combattre tout au long du reste de la guerre. En effet, après avoir participé à sa manière au fameux raid de Dieppe, plusieurs éléments de l’Armée polonaise de l’Ouest se sont retrouvés par la suite en Italie.

L’Armée polonaise de l’Ouest est formée dès l’occupation de la Pologne par l’Allemagne nazie et l’exil de son gouvernement. Initialement placées sous le commandement de l’Armée française, les forces polonaises sont ensuite réorganisées sous celui de l’Armée britannique après la reddition de la France en juin 1940. L’Armée polonaise est alors composée de trois branches : la marine, l’aviation et l’armée de terre. Alors que les deux premières ont été largement mobilisées dans les premières années de la guerre, c’est l’armée de terre qui constitue la principale force polonaise pendant la Campagne d’Italie.

C’est en février 1944 que le 2e Corps polonais est envoyé en Italie pour soutenir les Britanniques et les Canadiens sur le flanc est de la péninsule. Formé l’année précédente, le 2e Corps est principalement composé de soldats expérimentés, vétérans des combats en Afrique et au Moyen-Orient. Dès leur arrivée, la présence polonaise en Italie compte alors plus de 50 000 soldats… et un ours.

En Italie, l’Armée polonaise s’est particulièrement distinguée lors de la bataille de Monte Cassino. À ce stade de la guerre, la bataille se déroulait depuis le 17 janvier 1944 et les Allemands refusaient de céder du terrain aux Alliés. Le 11 mai 1944, l’Opération Diadem est lancée en coordination avec les armées américaines, britanniques, canadiennes, françaises et polonaises dans le but de déloger une bonne fois pour toutes les défenseurs allemands et d’ouvrir un passage vers Rome. Au cours de la bataille, le 2e Corps est chargé de capturer Monte Cassino. Les combats sont extrêmement intenses et les Polonais subissent de lourdes pertes. À un moment donné, les combats tournent même au corps-à-corps. Finalement, après de très durs combats le 17 mai, les Allemands sont expulsés de leur position et les quelques soldats polonais restants capturent la montagne. Pour les Polonais, la bataille se conclut le jour suivant, alors qu’ils capturent les ruines du monastère de Cassino et les quelques soldats allemands à l’intérieur. Ce fut une capture majeure, célébrée par le hissage des drapeaux britanniques et polonais.

Si la bataille de Monte Cassino s’est soldée par une victoire, elle a été acquise à un lourd prix pour le 2e Corps, avec un total de 3 885 pertes et 1 179 soldats tués. Malgré ces sacrifices, les Polonais sont restés engagés jusqu’à la fin de la campagne, participant avec ardeur à l’offensive d’automne et capturant la ville de Bologne le 21 avril 1945.

Une patrouille polonaise revient de mission à Rionero in Vulture le 14 février 1944 (source : Wiki Commons).
Un soldat polonais joue le Hejnał, une mélodie traditionnelle, sur les ruines du monastère de Monte Cassino (source : Wiki Commons).
Le général Władysław Anders, qui mena les troupes polonaises en Italie, inspecte des soldats (source : Wiki Commons).

Le Corps expéditionnaire français d'Italie

Un goumier marocain aiguise sa baïonnette en 1944 (source : Wiki Commons).

Après sa défaite face à l’Allemagne en 1940, la France s’est retrouvée rapidement occupée et était pratiquement écartée du conflit. Cependant, en Europe, la résistance était bien vivante et plusieurs groupes se sont organisés pour entraver autant que possible les forces nazies. La France était également une puissance coloniale majeure, et bien que certaines de ses colonies se soient rangées du côté de l’Allemagne et du régime de Vichy en 1940, d’autres ont rejoint les forces de libération sous les généraux Charles de Gaulle et Henri Giraud. Ainsi, entre 1940 et 1944, la France a mené la guerre sur plusieurs fronts : à l’intérieur, grâce à la résistance, et à l’extérieur, avec les troupes coloniales.

La participation de la France à la campagne d’Italie commença en 1943, après que les Alliés renversèrent le régime de Vichy. Issu de l’union des forces du général de Gaulle et du général Giraud la même année, le Corps expéditionnaire français d’Italie fut envoyé dans la péninsule en novembre pour supporter l’effort allié dans la campagne. L’envoi du Corps constitua une manœuvre très importante pour la France alors entre 95 et 112 000 troupes, menées par le général Alphonse Juin, furent mobilisés en 1944. La majorité des soldats envoyés étaient issus des colonies françaises en Afrique du Nord : l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. À ces troupes se joignent aussi plusieurs officiers français, dans une structure typique des armées coloniales. Le Corps est alors mis au service de la 5e armée américaine.

Dès leur arrivée, les troupes du corps français ont participé à différentes opérations militaires aux côtés des autres armées alliées. Cependant, c’est lors de la bataille de Monte Cassino que la France a prouvé, selon l’historienne Julie le Gac, qu’elle était revenue au rang des grandes puissances alliées. Comme expliqué précédemment, Monte Cassino était une bataille qui s’enlisait depuis de nombreux mois et les pertes alliées s’accumulaient. En vue d’un ultime effort en mai 1944, le général Juin réussit à convaincre l’État-Major allié de modifier leur stratégie et d’accorder plus d’importance au Corps français afin qu’il puisse surprendre les Allemands dans une position inattendue. Le plan de Juin a été un succès : le 12 mai, les soldats français et maghrébins capturent leurs objectifs et apportent leur soutien aux soldats britanniques, canadiens et indiens. De fait, pendant deux jours, les troupes coloniales ont combattu avec bravoure et ont contraint les défenseurs allemands à reculer sur plusieurs fronts. La victoire à Monte Cassino n’a pas été entièrement due à l’armée française, mais il est certain que sa contribution a été décisive.

De graves controverses ont cependant entaché la participation française à la campagne. En effet, lors des opérations, plusieurs unités issues des troupes coloniales ont été accusées de divers sévices et agressions contre les populations civiles. Les crimes de guerre sont malheureusement des conséquences tragiques de la guerre et aucune armée ne peut prétendre être à l’abri de commettre les pires dérives[1]. Toutefois, les actions commises par les soldats du Corps français ont été telles qu’elles ont terni une opération par ailleurs glorieuse. Les controverses entourant la participation française à la campagne d’Italie ont ainsi éclipsé pendant de longues années les sacrifices et les succès encourus.

Des soldats marocains prennent le repas à Monte Cassino (source : Wiki Commons).

Conclusion

Pour le Canada et ses troupes, la Campagne d’Italie fut leur première occasion, durant toute la guerre, de faire leurs preuves en tant que nation indépendante. Il est évident, cependant, qu’un tel désir était également présent parmi les autres forces étrangères. Pour les soldats indiens et sikhs, leur service en Italie leur a permis de mieux faire valoir leurs droits – ou, du moins, de mieux combattre – pour l’indépendance de leurs pays. Pour la Pologne et la France, l’Italie a été un message significatif pour montrer que les défaites humiliantes du début de la guerre n’étaient pas le signe d’une incompétence militaire. Enfin, pour le Brésil, la campagne a été l’occasion de montrer qu’il était une puissance égale aux nations occidentales.

Une réunion entre soldats marocains en Italie, entre le 9 et 11 décembre 1943 (source : Wiki Commons).

L’histoire n’a pas toujours été tendre à l’égard de la campagne d’Italie. Éclipsés par les succès des débarquements en Normandie et en Provence, les efforts déployés en Italie par une armée ou une autre ont malheureusement souvent été ignorés. Effectivement, la campagne fut longtemps perçue comme un front secondaire et sans grande importance. Cependant, une brève étude des divers combats menés par les différentes armées alliées montre un grand acharnement général à libérer la péninsule de l’emprise fasciste et nazie.

Des soldats polonais se promènent à l'intérieur du monastère de Monte Cassino, le 18 mai 1944 (source : Wiki Commons).

[1] En effet, l’Armée canadienne a elle-même été reconnue coupable de crime de guerre lors de la destruction du village de Friesoythe, en Allemagne, le 14 avril 1945. Cette attaque a eu lieu après que des rumeurs ont circulé selon lesquelles un commandant canadien aurait été abattu par un civil allemand à l’aide d’un fusil à précision. En réponse, l’Armée canadienne a expulsé les habitants de la ville et a incendié les maisons. Bien qu’aucun civil n’ait été assassiné lors des expulsions (toutefois, 20 décès ont été enregistrés lors des combats le jour précédent), cet épisode reste néanmoins l’un des plus malheureux de l’Armée canadienne pendant la guerre.

Photo de couverture : Un commando polonais grimpe une montagne en Italie en 1944 (source : Wiki Commons).

Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me SouviensCet article est la deuxième partie d’une série de deux articles sur sur la participation militaire des forces étrangères en Italie durant la guerre. Pour lire la première partie, vous pouvez cliquer sur le lien ici.

Sources :

Pour une approche plus académique :

  • Julie Le Gac, « Le corps expéditionnaire français en Italie : un sacrifice inutile », Jean Lopez et Olivier Wieviorka (dir.), Les mythes de la Seconde Guerre mondiale, Tome 1, Paris, Perrin, 2018 [2015], pp. 277-290. Pour en apprendre davantage, nous vous conseillons aussi son livre Vaincre sans gloire – le corps expéditionnaire français en Italie (2013).