Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur la bataille de Hong Kong : Des chances impossibles.
Consulter notre exposition pour en apprendre davantage sur le sort des soldats canadiens envoyés défendre la colonie !
À ce stade des combats, les Japonais dominent presque l’entièreté de l’île. L’ensemble des positions des Alliés est perdu et la conclusion de la bataille est évidente. Comme nous l’avons vu précédemment, la perte du col de Wong Nai Chung est un coup fatal pour la défense de l’île. Il est donc totalement impossible que les défenseurs puissent reprendre l’île. La victoire de l’armée japonaise est totale.
Les Royal Rifles of Canada, l’un des deux régiments de la Force C, se sont retirés jusqu’à l’extrême extrémité de l’île. Les RRC ont eu plusieurs clashs avec les Japonais depuis les derniers jours, mais rien ne sera aussi intense que leur dernière confrontation au village de Stanley. Pour cette deuxième partie d’une minisérie en deux articles qui commémorent la bataille de Hong Kong, on vous emmène autour de la charge finale au village de Stanley, le 25 décembre.
Une défaite certaine
Après la prise du col de Wong Nai Chung, l’avancée de l’armée japonaise est irrémédiable. Le 24 décembre, la compagnie D des Royal Rifles est expulsée une nouvelle fois de sa position et est forcée de se retirer au village de Stanley. La péninsule de Stanley est un lieu urbain important dans la colonie, étant l’ancien centre administratif de la région au 19e siècle. Avec ses bâtiments et ses reliefs étroits, la péninsule est aussi un lieu retranché peu avantageux pour les Canadiens y ayant trouvé refuge.
Ailleurs sur l’île, les petites pochettes de résistance tombent une à une. Du côté des Winnipeg Grenadiers, ils réussirent à repousser une dernière attaque des Japonais. Cependant, ils sont forcés à jeter ultimement les armes et de se rendre, faute de munitions pour poursuivre les combats. Ailleurs sur l’île, le 5/7 Rajputs est expulsé du mont Parish et quant au 230 th Regiment du Middlesex, il est en déroute complète. Nous soulignerons cependant l’existence d’un dernier groupe de défenseur au Central Ordnance Munitions Depot, surnommé Little Hong Kong, qui tint jusqu’au 27 décembre. Les hommes là-bas avaient suffisamment de munitions et de nourritures pour tenir plusieurs mois et pour les Japonais, attaquer une telle position signifierait de lourdes pertes. C’est seulement après des négociations avec les commandants japonais que les défenseurs britanniques acceptent la reddition avec tous les honneurs qu’ils méritaient.
L'ultime sacrifice
Au village de Stanley, le général Cedric Wallis ordonne à la compagnie D des Royal Rifles une dernière charge contre les positions japonaises. Un tel ordre est vivement protesté par le colonel William Home, le commandant du bataillon canadien après la mort de John K. Lawson à Wong Nai Chung. Après tout, la bataille est déjà perdue d’avance. Foncièrement, une telle charge ne servirait à rien et ne ferait que gaspiller inutilement la vie de plusieurs hommes. Home n’est pas le seul dans cette opinion : plusieurs autres officiers considèrent ce plan comme étant de la « pure folie ». Quant au sergent George MacDonnell, il écrivit après la bataille : « pas un seul d’entre eux ne pouvait croire à cet ordre absurde ». Malgré tout, les hommes de la RRC sont bien décidés à combattre jusqu’au bout.
À 12 h 30, 110 soldats des Royal Rifles se jettent à l’avant des lignes ennemies. S’ils avancent prudemment de position en position, ils sont rapidement repérés par les troupes japonaises. Les tirs sont soutenus et intenses. Plusieurs Canadiens tombent sous les balles ennemies, mais le repli n’est plus possible : ils sont trop à découvert et toute tentative verrait une décimation complètement de leur unité. La seule solution est d’avancer.
Même si dans le grand spectre des choses la tentative est désespérée, l’objectif de cette charge est de déloger les soldats japonais entourant le village de Stanley. De fait, considérant la supériorité numérique de l’ennemi et sa position avantageuse, la seule solution pour les Canadiens est de les rencontrer directement au corps-à-corps. Sous le tir soutenu des Japonais, les soldats de la RRC fixèrent ainsi leur baïonnette et chargèrent. Malgré leurs mitrailleuses et leurs tirs d’artillerie, l’envahisseur est déconcerté par cette attaque désespérée. En effet, pour eux, la bataille est terminée et ils pensaient avoir à faire avec seulement quelques résistants, et non une contre offensive organisée. Paniqués, ils quittèrent alors à la hâte leur position — un geste rare pour cette armée dont la reddition n’est pas une option.
Peu préparés à des combats aux corps-à-corps à ce stade de l’invasion, les Japonais perdent un nombre considérable d’hommes. Ils perdent aussi momentanément leur position au village de Stanley. C’est ainsi une très maigre victoire pour les Canadiens, qui purent démontrer que leur moral ne fut pas brisé après des jours de combats ardus. Seulement, cette petite victoire ne fut possible qu’à un prix énorme : sur les 110 soldats des Royal Rifles, 26 sont abattus durant la charge et 75 autres sont blessés. Seulement une douzaine d’entre eux s’en sortent indemnes.
La reddition
À 15 h 15, sous les ordres du gouverneur de la colonie Mark Young, le Major-Général britannique Christopher Maltby ordonne à tous les défenseurs de cesser les combats et de se rendre. La reddition officielle est annoncée à 15 h 30, mais les Canadiens continuent de lutter au village de Stanley au-delà de cela. Wallis refuse de croire aux ordres de la reddition et poursuit encore les combats, du mieux que ses hommes le peuvent. Ce n’est qu’à 1 h 30 le matin, le 26 décembre, qu’il est convaincu de la capitulation et qu’il ordonne de cesser le feu.
La résistance des Alliés a été étonnamment tenace : l’armée japonaise prévoyait capturer l’île en une journée, mais l’opération dura une semaine complète. L’armée japonaise avait l’avantage de bénéficier d’une grande puissance de feu et d’une maîtrise de l’air totale. L’invasion de l’île se fit de façon massive avec un très grand nombre de soldats et de supports aériens. À comparer, les Alliés ne jouissaient pas autant de ressources : leurs hommes n’étaient pas aussi entraînés et équipés. En retour, les Alliés peinaient à contenir un tel flot d’ennemis et la prise du col de Wong Nai Chung scella le sort de la bataille. Cependant, si nous pouvions dire que la bataille fut perdue d’avance, les défenseurs combattirent du mieux qu’ils le purent.
Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens avec des notes fournies par Flavie Vaudry. Cet article est la deuxième partie d’une série de deux articles sur les combats importants menés lors de la bataille de Hong Kong. Pour lire la première partie sur les combats autour du col de Wong Nai Chung, vous pouvez cliquer sur le lien ici.
Sources :
- « Canadiens à Hong Kong », Anciens combattants Canada/Veterans Affairs Canada.
- « Le Canada et la bataille de Hong Kong », L’Encyclopédie Canadienne/The Canadian Encyclopedia.
Pour une approche plus académique, on vous suggère les ouvrages suivants :
- Franco David Macri, « Canadians under Fire: C Force and the Battle of Hong Kong, December 1941 », Journal of the Royal Asiatic Society Hong Kong Branch, vol. 51, 2011, pp. 237-256.
- Nathan M. Greenfield, The Damned: The Canadians at the Battle of Hong Kong and the POW Experience, 1941-45, Toronto, Harper Collins Publishes, 2010, 462 p.
- Tony Banham, Not the Slightest Chance: The Defence of Hong Kong, 1941, Hong Kong, Hong Kong University Press, 2003, 452 p.