Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur la bataille de Hong Kong : Des chances impossibles.
Consulter notre exposition pour en apprendre davantage sur le sort des soldats canadiens envoyés défendre la colonie !
Quatre camps de prisonniers de guerre sont établis dans l’ancienne colonie britannique : Ma Tau Chung, Argyle Street, North Point et Sham Shui Po. Le premier est un camp pour les « indésirables » : les soldats indiens qui refusent de se joindre à l’armée japonaise et les individus marginaux sans papiers ou au statut juridique particulier, par exemple. Le deuxième, Argyle Street, est d’abord pour les soldats britanniques, canadiens et indiens, mais il devient par la suite réservé aux officiers à partir de 1942. Les troisième et quatrième camps, North Point et Sham Shui Po, sont ceux qui ont accueilli le plus de Canadiens durant la guerre.
Les conditions dans les camps
Tous les bâtiments des camps sont très endommagés au lendemain des combats : les toits et les murs sont percés par les obus et n’offrent pas des abris adéquats pour les nouveaux prisonniers. Malgré tout, les hommes y sont entassés au maximum : chaque cabane de bois pouvant abriter jusqu’à 175 prisonniers. À l’arrivée de ceux-ci, les cuisines, les installations de santé et d’hygiène sont en piètre état. À North Point, durant les premières journées, les prisonniers canadiens, britanniques et indiens tentent tant bien que mal d’aménager le camp pour le rendre habitable, mais cela prend du temps. Par exemple, c’est seulement le 2 février 1942 que deux toilettes sont installées dans le camp.
Dans tous les camps, la nourriture est de mauvaise qualité : le riz blanc est mélangé avec sable, les légumes sont vieux et la viande est bien souvent pourrie. Les rations sont aussi très petites et les prisonniers maigrissent à vue d’œil en conséquence. Ainsi, du 25 décembre au 15 janvier, certains prisonniers perdent jusqu’à 10 kilos ! Le régime pauvre en vitamines et en protéines commence à donner naissance à une foule de maladies comme les « pieds heureux », le béribéri et la pellagre. Un hôpital est installé dans le camp de North Point, mais très peu de lits sont disponibles et les médicaments manquent. Le toit étant fuyant, il était aussi courant que des patients couchés sur le sol se retrouvent sous un pouce d’eau durant les périodes de pluie.
À Hong Kong, certains prisonniers sont soumis aux travaux forcés et doivent reconstruire l’aéroport de Kai Tak. Leur tâche consiste à enlever une ancienne colline funéraire en n’utilisant que leurs muscles, des pelles, et des paniers traditionnels suspendus à un poteau en équilibre sur leurs épaules osseuses. De nombreux hommes ne se montrent pas à la hauteur du travail, en grande partie parce qu’ils sont chroniquement mal nourris. Les conditions sur les différents sites incluent fréquemment un harcèlement brutal et plusieurs abus sont relatés par les Canadiens. Par exemple, les crosses de fusil sont librement utilisées pour briser les os et les dents de certains prisonniers. Les gifles et l’humiliation sont aussi des pratiques courantes. Par exemple, des gardes japonais attachent les prisonniers nus à des pieux pendant des heures ou des jours, peu importe la température. Les prisonniers ont déjà une santé fragile, et beaucoup ne survivent pas à cette épreuve.
Le camp d’internement de Stanley
Le camp d’internement de Stanley est fondé en janvier 1942 pour accueillir l’ensemble de la population civile « ennemie » au Japon : les Britanniques, les Américains, les Néerlandais et les Canadiens, par exemple. On y retrouve alors des familles entières dans ce camp dont les conditions ne sont pas différentes de celles des militaires : la nourriture est mauvaise et en faible quantité, les bâtiments sont endommagés et surpeuplés et la maladie est rampante. 73 civils canadiens, hommes et femmes, se retrouvent dans ce camp de 2 800 personnes jusqu’à leur rapatriement en septembre 1943. Cependant, la majorité des internés doivent attendre la fin de la guerre pour être libérés.
Les transferts au Japon
À partir du milieu de l’année 1942, il y eut quatre transferts de Hong Kong au Japon qui incluent des Canadiens. Cependant, avant ceux-ci, on compte aussi deux transferts de prisonniers britanniques : un premier d’environ 650 hommes en septembre 1942 et un deuxième de 1 800 à la fin du même mois. Malheureusement, ces derniers embarquent dans le Lisbon Maru qui est coulé par erreur par un sous-marin américain. Sur les plus de 1800 captifs à bord, 843 meurent dans cette catastrophe.
Le 19 janvier 1943, Bernard Castonguay et ses compagnons embarquent pour le Japon. Les hommes sont entassés si près ensemble qu’ils ne peuvent pas tous se coucher en même temps. Ils ne reçoivent rien d’autre que de petites boulettes de riz et de l’eau durant tout le voyage. L’air devient vite fétide, en partie à cause de la puanteur de centaines d’hommes transpirant dans des cales sans air et à des températures extrêmement chaudes. De plus, plusieurs des prisonniers souffrent de dysenterie et de diarrhée et aucune installation hygiénique ne leur est permise dans les bateaux. Finalement, et malgré la tragédie du Lisbon Maru, les Japonais ne laissent pas de vestes de sauvetage pour les prisonniers de guerre.
Au fur et à mesure que la guerre avance, les conditions de voyages se désagrègent davantage. Ils deviennent généralement plus longs, plus mal approvisionnés et si surpeuplés que les hommes arrivent au Japon beaucoup plus malades et moins en forme qu’à leur départ. Finalement, quelque 1 100 Canadiens furent transférés au Japon durant la guerre.
Les camps japonais
Les conditions de vie dans les camps au Japon étaient sensiblement similaires à celles de Hong Kong : les problèmes de conforts, de nourritures et de maladies sont tout aussi présents. Dans certains camps plus au nord, cependant, les prisonniers doivent faire avec une température généralement plus froide et des hivers rigoureux ce qui amène, évidemment, tout un lot de problèmes différents.
Les camps au Japon étaient majoritairement des camps de travail pour supporter l’effort de guerre. Tandis qu’à Hong Kong, les Canadiens avaient la petite possibilité d’éviter les travaux forcés via différents stratagèmes, ils n’ont plus ce choix au Japon. Tous les prisonniers sont soumis aux travaux forcés dans des conditions extrêmement difficiles. Les accidents sont ainsi fréquents et les abus choses courantes.
Il y avait beaucoup plus de camps au Japon qu’à Hong Kong et l’on vous présente ainsi ceux ayant abrité des prisonniers canadiens :
Camp Niigata 5B et Niigata 15D/15B : Ces camps sont situés dans la petite ville côtière de Niigata. Environ 500 prisonniers (200 Canadiens et 300 Américains) travaillent dans les dépôts de charbon de Rinko, au chantier naval de Marutsu, ou à la fonderie de fer de Shintetsu. Le cuivre est également extrait dans les environs. Là-bas, les hommes souffrent de malnutrition et d’avitaminose. Les manifestations les plus courantes sont le béribéri et les œdèmes. La malnutrition et les carences en vitamines dont souffrent la plupart des détenus sont aggravées par la maladie, les mauvaises conditions de vie, et le travail physique intense.
Camp Sendai 2B : Les 200 premiers prisonniers arrivent en mai 1944 et sont forcés de travailler dans les mines de charbon de la compagnie Furukawa. Le travail est dur dans les mines de charbon et la nourriture est insuffisante. Dans la mine de charbon, les prisonniers ne portent qu’un string — le fundoshi japonais — et des casques dits « durs » ; il s’agit en fait de chapeaux en coton avec des morceaux de feutre à l’intérieur.
Oeyama (Camp Osaka No. 3) : Oeyama est un village situé sur la côte nord-ouest de l’île de Honshu. Les hommes enrôlés travaillent dans les mines de nickel ou à la raffinerie et les officiers se voient assigner des tâches modérément lourdes au camp. Il y avait 148 Canadiens en septembre 1944.
Ohasi : En avril 1945, 200 Canadiens sont transférés dans ce camp au nord du Japon. Ils travaillent sur des moteurs, des générateurs et des trains électriques. Les conditions sont pénibles, mais certains affirment que certains des Japonais traitent très bien les prisonniers sous leurs ordres.
Omine : Situé près de la petite ville de Kawasaki, il contient 163 Canadiens et 37 Britanniques. Les prisonniers doivent extraire du charbon pour la Furukawa Mining Company. Les quartiers sont meilleurs que dans la plupart des camps, mais les conditions de travail restent sinistres. La nourriture est insuffisante en qualité et en quantité et les maladies sont fréquentes.
Omori : Il occupe une petite île de sable dans la baie de Tokyo. C’est un camp disciplinaire dans lequel les « mauvais pensionnaires » sont envoyés. Les prisonniers travaillent comme manutentionnaires dans les terminaux de fret et les chantiers navals de Tokyo et de Yokohama. Certains groupes travaillent dans les entrepôts de Mitsubishi et d’autres, dans les zones de déchargement du tabac aux gares de chemin de fer.
Narumi (Camp Fukuoka No. 2) : Il est situé à quelques kilomètres du centre-ville de Nagoya. Les hommes travaillent dans une usine qui fabrique des moteurs de locomotives, mais plusieurs autres sont transférés dans des manufactures pour des avions et des bateaux de combat. Étant donné la proximité de Nagoya, lourdement bombardé, le camp voit ses effectifs considérablement réduits au printemps 1945.
Tsurumi (Camp Tokyo 3D, Kawasaki) : Un camp situé en banlieue ouest de Tokyo et abrite 500 prisonniers au début de l’année 1943. La plupart des hommes travaillent au chantier naval Nihon Kokan où ils font plusieurs tâches : peintre en bâtiment, travail avec un réservoir d’oxygène, ferronnier, travail avec des ciseaux et autres outils, etc. En 1943, soixante-trois Canadiens sont morts, toutes victimes de maladies provoquées par la malnutrition et le surmenage, ou d’accidents dans des mines, des usines et des chantiers navals peu sécurisés.
Le calvaire est difficile et plusieurs Canadiens décèdent en captivité. C’est finalement en août 1945 que le Japon signe la reddition et que la guerre se termine pour de bon. Quelques semaines après, les Canadiens prisonniers à Hong Kong et au Japon sont rapatriés chez eux. Cependant, le chemin est long et la grande majorité des hommes doivent rester en convalescence durant plusieurs semaines. De même, énormément d’entre eux sortent de ces camps avec des séquelles physiques et psychologiques importantes qui resteront pour tout le reste de leurs vies.
Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens avec des notes fournies par Flavie Vaudry.
Sources :
- « Canadiens à Hong Kong », Anciens combattants Canada/Veterans Affairs Canada.
- « Le Canada et la bataille de Hong Kong », L’Encyclopédie Canadienne/The Canadian Encyclopedia.
Le site internet du Hong Kong Veterans Commemorative Association (en anglais) a aussi beaucoup d’histoires et de témoignages sur l’emprisonnement des soldats canadiens à Hong Kong et au Japon. Pour une approche plus académique, on vous suggère les ouvrages suivants :
- Tony Banham, The Sinking of the Lisbon Maru: Britain’s Forgotten Wartime Tragedy, Hong Kong, Hong Kong University Press, 2006, 342 p.
- Tony Banham, We Shall Suffer There: Hong Kong’s Defenders Imprisoned, 1942-45, Hong Kong, Hong Kong University Press, 2017, 260 p.
- Geoffrey Charles Emerson, Hong Kong Internment, 1942-1945: Life in the Japanese Civilian Camp at Stanley, Hong Kong, Hong Kong University Press, 2008, 268 p.
- Nathan M. Greenfield, The Damned: The Canadians at the Battle of Hong Kong and the POW Experience, 1941-45, Toronto, Harper Collins Publishes, 2010, 462 p.
- Charles G. Roland, Long Night’s Journey into Day. Prisoners of War in Hong Kong and Japan, 1941-1945, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 2001, 449 p.