Cet article fut publié dans le cadre de notre exposition sur la bataille de Hong Kong : Des chances impossibles.
Consulter notre exposition pour en apprendre davantage sur le sort des soldats canadiens envoyés défendre la colonie !
Deux infirmières canadiennes faisant partie de la Force « C » allèrent à Hong Kong : Anna May Waters (1909-1987) et Kathleen Christie (1911-1994). Les deux deviennent infirmières au civil au courant des années 1920 et en 1940, dans un désir de se rendre utile à la guerre, s’enrôlent dans le Corps médical de l’armée canadienne. Étant des officières, les deux femmes reçoivent des grades militaires ; Christie est, par exemple, nommée lieutenante.
Les deux femmes se font apprendre très rapidement qu’elles seront transférées dans une mission hors du Canada. Waters mentionnera ainsi que cela risquait d’être sa seule occasion de sortir du pays. Christie témoigne :
« […] à la mi-octobre 1941, en apprenant que j’étais appelé à travailler dans un climat semi-tropical et que je n’avais que cinq minutes pour me décider, j’ai mis de côté ma prudence habituelle et j’ai accepté immédiatement cette nouvelle affectation. Une semaine plus tard, le 19 octobre 1941, j’étais à bord d’un train pour Vancouver : destination finale inconnue. » (traduction libre)
La bataille
Durant la bataille, les deux infirmières se trouvent à l’hôpital militaire de Bowen Road. Là-bas, le personnel soigne les blessés des combats à quelques mètres d’eux ; à l’occurrence, ce sont principalement des Winnipeg Grenadiers. Nous soulignerons que plusieurs civiles canadiennes, habitant déjà la colonie, se rendent à l’hôpital et prêtent main-forte. La Canadienne Alys Greaves, par exemple, est la dernière infirmière à terminer son service à l’hôpital, en aout 1943.
Christie et May passent tout leur temps à Bowen Road et si elles subissent les bombardements de l’armée japonaise, elles sont très peu au courant de l’état de la bataille. La reddition vient donc avec une surprise générale : les infirmières avaient l’impression que les troupes du Guomindang de Chiang Kai-shek étaient en route pour sauver les défenseurs.
À la reddition, un officier japonais se rend à l’hôpital pour déclarer que Bowen Road serait considéré comme un camp de prisonniers de guerre. Une clôture avec des fils barbelés est immédiatement installée autour du bâtiment, empêchant le personnel d’y sortir. De fait, Christie et May deviennent techniquement les deux seules Canadiennes considérées comme prisonnières de guerre.
En internement
Contrairement aux autres prisonniers de guerre, les deux infirmières sont généralement bien traitées par les Japonais. C’est peu dire que c’est une belle surprise pour elles : Waters témoigne avoir entendu parler du massacre du personnel médical au collège St Stephen et la peur d’une telle brutalité à Bowen Road fut constante. De plus, elles vont témoigner avoir vu plusieurs cas d’atrocités de la part de soldats japonais sur les civils chinois.
Des soldats canadiens provenant des autres camps sont parfois transférés à l’hôpital de Bowen Road pour être traités. Avec très peu de médicaments et de matériels, le personnel médical doit ainsi traiter les soldats malades et faméliques. Les femmes doivent alors faire avec les moyens du bord : Waters fait cuire de la soupe à l’aide d’un casque de soldats, par exemple.
En août 1942, les deux infirmières sont transférées au camp d’internement de Stanley. Ce camp est réservé aux civils et contrairement aux camps pour les militaires, il est mixte et contient des familles entières. Les internés à Stanley ne sont pas soumis aux travaux forcés et sont largement épargnés par les abus des gardes japonais, mais les conditions sont tout de même pitoyables : la nourriture est manquante, les maladies sont rampantes et le camp est surpeuplé. Heureusement, à la suite de négociations menées par les Alliés et le Japon, la population canadienne du camp sera rapatriée chez eux en septembre 1943.
Après la guerre
Les deux infirmières retournent au Canada en décembre 1943, après un long voyage pénible en bateau. Elles arrivent à Montréal, à la station Bonaventure, et prennent ensuite le train pour revenir chez elles. Waters retourne alors à Winnipeg où elle est immédiatement hospitalisée à cause de sa perte de poids. Comme le témoigne Christie :
« Nous étions de retour au Canada et chacune de nous avions une nouvelle appréciation d’une façon de vivre que nous tenions pour acquise. » (traduction libre)
Le 6 avril 1944, elles reçoivent la médaille Royal Red Cross pour leurs services à Hong Kong. Cependant, les deux femmes n’arrêtent pas leur service pour autant. Waters sera à bord du TSS Letitia, un bateau-hôpital en Asie, jusqu’à la fin de la guerre. Elle va même revoir les survivants de la Force C lors de leur passage à Hawaii avant de retourner au Canada ! Quant à Christie, elle va aussi rester avec l’armée canadienne, où elle est stationnée dans un hôpital au Canada avant d’arrêter en 1945.
Les deux femmes vont continuer à être infirmières après la guerre. Christie, par exemple, sera très impliquée dans les associations de vétérans et d’infirmières pour le reste de sa vie. Quant à Water, elle continue son travail à Hawaii jusqu’à sa retraite en 1968. Elle passa ensuite le reste de sa vie en Californie tandis que Christie resta au Canada.
Article rédigé par Julien Lehoux pour Je Me Souviens.
Sources :
- « Infirmière militaire – Anna May Waters », Anciens combattants Canada/Veterans Affairs Canada.
- « Kay Christie 1911-1994 », Cabbagetown People – The Social History of a Canadian Inner City Neighbourhood (en anglais).
- « Lieutenant Kathleen (Kay) Christie », Mount Pleasant Group (en anglais).